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M. Saakachvili: Géographiquement, culturellement, Géorgie européenne

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  • M. Saakachvili: Géographiquement, culturellement, Géorgie européenne

    Le Monde
    9 Mars 2004

    M. Saakachvili : "Géographiquement, culturellement, la Géorgie se
    sent européenne"

    Dans un entretien au "Monde", le président de cette République du
    Caucase explique l'impact de la "révolution des roses" dans l'espace
    ex-soviétique
    Le succès de la "révolution des roses" est-il à mettre au compte de
    l'opposition géorgienne ou peut-on dire qu'il est dû aussi à la
    personnalité d'edouard chevardnadze ?

    Les choses se sont passées ainsi parce que l'opposition était unie.
    Nous nous étions mis d'accord et nous avons mené un vrai travail
    auprès de la population. Cela a été déterminant. L'autre raison tient
    à l'existence de médias libres en Géorgie, contrairement à ce qui
    prévaut dans les autres Etats de la CEI -l'ex-URSS moins les trois
    Républiques baltes-. Le président Chevardnadze avait bien essayé de
    fermer la principale chaîne indépendante, mais il a échoué. Ces
    médias sont à l'origine de sa chute, ils ont critiqué sa politique,
    ont contribué à mobiliser la population.

    Quant à Edouard Chevardnadze, il était prêt à utiliser la force, il
    avait donné des ordres mais cela n'a pas très bien marché. A la fin
    de sa présidence, il n'était plus qu'un apparatchik ordinaire, adepte
    de l'autoritarisme. Il est apparu alors comme un homme usé, agressif
    et très corrompu. Pas tant lui-même, mais sa famille, son épouse, son
    gendre étaient plongés dans la corruption.

    Certains évoquent la possible contagion de la "révolution des roses"
    dans l'espace post-soviétique, en premier lieu en Ukraine. Qu'en
    pensez-vous ?

    De nombreux Ukrainiens ont regardé avec intérêt ce qui se passait en
    Géorgie. Je crois qu'il est impossible d'imposer à d'autres un
    modèle. L'Ukraine a un potentiel énorme. Si, lors de la prochaine
    élection présidentielle -en octobre 2004-, ce pays opte pour une
    démocratisation pacifique, il va très vite adhérer à l'Union
    européenne et à l'OTAN. Mais savez-vous qu'actuellement, en Ukraine,
    un projet de Constitution est à l'étude, qui prévoit d'abolir la
    présidentielle ? C'est inquiétant, forcément ! Mais si le scrutin a
    lieu, le monde entier aura une surprise.

    Vous connaissez bien l'Ukraine pour y avoir vécu...

    Oui, j'ai étudié à Kiev, je parle l'ukrainien couramment. Là-bas j'ai
    même ma place dans les sondages. Je suis toujours, à mon grand
    étonnement, dans les cinq ou six hommes politiques préférés des
    Ukrainiens ! J'ai aussi été présenté comme le "Che Guevara" de
    l'espace politique post-soviétique ! C'est absurde, bien sûr ! Le
    président Poutine lui aussi a publiquement dénoncé le changement de
    pouvoir en Géorgie. Il a dû le faire à plusieurs reprises afin de
    calmer les présidents des autres Etats de la CEI qui avaient demandé
    à Moscou de condamner ce qui se passait à Tbilissi. Le plus important
    pour cet espace est que des élections normales s'y tiennent, il faut
    arrêter de truquer les résultats ! Le problème des successions est
    primordial ! Il faut qu'elles se déroulent normalement. En Géorgie,
    nous avons décidé de ne pas toucher à Edouard Chevardnadze bien qu'il
    soit mêlé à cette corruption, car nous voulons que le processus de
    succession se déroule normalement.

    Il semblerait que depuis la "révolution géorgienne", l'Union
    européenne ait décidé de rassembler la Transcaucasie (Géorgie,
    Arménie, Azerbaïdjan), par le biais d'un partenariat plus étroit avec
    ces pays. Qu'en pensez-vous ?

    De ce point de vue, je pense que la "révolution des roses" a été
    décisive. Géographiquement, culturellement, la Géorgie se sent
    européenne et les Géorgiens sont des Européens enthousiastes. Le
    projet européen pourrait nous inciter à créer un espace économique
    commun entre nos trois Etats. J'en ai discuté dernièrement avec Ilham
    Aliev, le président azerbaïdjanais, qui est très ouvert sur la
    question et j'envisage d'aborder le sujet prochainement avec mon
    homologue arménien, Robert Kotcharian.

    Une grande opération anticorruption a lieu en ce moment en Géorgie.
    Avez-vous un programme ? Comment comptez-vous relever l'économie
    géorgienne ?

    Notre priorité est de rétablir la sécurité. Le taux de criminalité a
    déjà baissé par rapport à son niveau d'avant la "révolution".
    Pourquoi ? Parce que le gouvernement géorgien était le principal
    groupe mafieux ! Nous avons arrêté des ministres, nous nous
    attaquons aussi aux groupes criminels. Et, croyez-moi, c'est
    compliqué. Les chefs de ces groupes mafieux ont beaucoup plus de
    poids dans l'économie de l'ombre que n'importe quel ministre. Notre
    tâche principale est de normaliser une économie à 60 % informelle.
    C'est pour cette raison que les économies des Etats de l'ex-URSS ne
    fonctionnent pas. L'économie grise y prévaut et, dans ces conditions,
    il n'est pas possible de créer de la croissance, du développement.
    Notre priorité est de créer un système fiscal qui fonctionne, de
    relever le niveau de vie de la population. Enfin, nous nous efforçons
    de réduire la contrebande, néfaste à la Géorgie, pays de transit par
    excellence.

    Quelles sont vos relations avec le président russe ?

    Lors de ma récente visite à Moscou, je me suis entretenu pendant
    quatre heures avec Vladimir Poutine. Il m'a beaucoup impressionné.
    Evidemment, il y a des choses que je ne puis accepter.

    Lesquelles ?

    Par exemple, il est persuadé que la dissolution de l'Union soviétique
    a été une grande tragédie pour l'humanité, un avis que je ne partage
    pas. Mais il y a aussi chez lui beaucoup de pragmatisme. Il comprend
    bien qu'il n'est plus possible de gérer un pays comme à l'époque de
    l'URSS. Je pense qu'après l'élection présidentielle russe, le vrai
    Vladimir Poutine apparaîtra. Il sera libre de mener un politique plus
    pragmatique. Je pense qu'il peut changer beaucoup de choses.

    Propos recueillis par Marie Jégo
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