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Le négationnisme ravive les souffrances du génocide arménien

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    Le Monde, France
    30 dec 2011

    Le négationnisme ravive les souffrances du génocide arménien


    Dans Le Monde du 28 décembre, Pierre Nora a publié une tribune
    intitulée "Lois mémorielles : pour en finir avec ce sport législatif
    purement français". Décidément, l'Histoire est trop importante pour en
    laisser le monopole aux historiens. Même le titre de la tribune est
    totalement faux. Ce "sport législatif" n'est pas "purement français".
    Plus de trente pays ont reconnu le génocide des Arméniens,
    reconnaissance qualifiée de "loi mémorielle", qui serait interdite au
    législateur.

    Apprécions la subtilité et la délicatesse du raisonnement de Pierre
    Nora, qui écrit : "Pour la Shoah, en effet, la responsabilité de la
    France vichyste est engagée, alors que, dans le cas de l'Arménie, la
    France n'y est pour rien." Ainsi notre pays ne pourrait condamner que
    les crimes dans lesquels il est "engagé" ! Mais c'est, en outre, bien
    mal connaître l'histoire qu'on prétend défendre que d'affirmer que la
    France n'est pas engagée dans les événements de la première guerre
    mondiale où elle et la Turquie s'affrontaient militairement. Voici
    quelques faits qui mériteraient de longs commentaires : le prétexte à
    l'extermination des Arméniens était leur francophilie issue de leur
    éducation reçue dans les institutions religieuses françaises.


    Le 24 mai 1915, la France et ses alliés notifient à la Turquie que les
    auteurs des crimes contre l'humanité commis seront jugés à la fin de
    la guerre : engagement non tenu ; en 1916, à la suite des accords
    Sykes-Picot, la France occupe une partie de la Turquie orientale,
    recueille des populations arméniennes en fuite, lève parmi elles une
    légion arménienne, puis replie ses troupes et abandonne les réfugiés à
    leur sort.

    En 1920, la France signe le traité de Sèvres qui institue une Arménie
    indépendante et prévoit la poursuite des criminels de guerre : il
    restera lettre morte. En 1923, à la suite de la victoire de Mustapha
    Kemal, la France signe le traité de Lausanne qui prévoit la protection
    des minorités de Turquie par les Alliés : disposition jamais mise en
    oeuvre...

    M. Nora écrit : "La décision française ne peut qu'exacerber le
    nationalisme turc et bloquer toute forme d'avancée vers la
    reconnaissance du passé." Dois-je en conclure qu'il faut s'incliner
    devant le nationalisme turc, y compris quand il s'exerce sur le
    territoire français à l'encontre d'une partie de ses citoyens ?
    Dois-je considérer que, depuis près de cent ans, il faut attendre
    encore ?

    Aucune garantie d'objectivité

    A propos d'une commission d'historiens, M. Nora écrit : "Les Arméniens
    avaient refusé au nom de leurs certitudes...", en fait, c'est le refus
    supposé du gouvernement de l'Arménie qu'il évoque. Les citoyens
    français d'origine arménienne doivent-ils attendre la défense de leurs
    droits du gouvernement de l'Arménie ?

    Quant aux "certitudes des Arméniens", elles sont issues des
    témoignages innombrables et de la transmission familiale, des milliers
    de documents officiels établis par des pays étrangers pendant la
    guerre, de la reconnaissance par l'Allemagne alliée de la Turquie et
    elle-même impliquée dans le génocide, de la reconnaissance des
    éléments constitutifs par le gouvernement légal de la Turquie et de
    ses juridictions en 1919...

    Force est de constater qu'en France, à l'exception remarquable d'Yves
    Ternon, le sujet n'a pas beaucoup intéressé les historiens, en dépit
    de tous ces matériaux historiques.

    Les historiens ont naturellement le droit de contester toute vision
    officielle de l'Histoire, c'est même leur devoir, mais ils n'offrent
    pour autant aucune garantie d'objectivité : ainsi il a fallu attendre
    François Furet pour avoir une histoire de la Révolution française sans
    présupposés partisans.

    La vision qu'un peuple a de son Histoire a sa légitimité, car elle est
    souvent l'assise de son projet politique : en France, pour la droite
    comme pour la gauche, aujourd'hui le projet constant est celui des
    droits de l'homme.

    Mais le procès que M. Nora fait au texte de loi est malvenu : ce qui
    peut être poursuivi, c'est seulement le négationnisme exprimé "de
    façon outrancière". Les historiens sérieux n'ont donc rien à redouter
    de la loi, quelles que soient leurs analyses.

    Ce qui est visé, c'est principalement le négationnisme d'Etat, celui
    d'un Etat étranger qui déverse et organise sur le territoire français
    une propagande qui vise notamment une catégorie de ses citoyens. Car
    le négationnisme ravive les souffrances du génocide, il en est le
    stade ultime.

    Mais puisque M. Nora est un militant de la liberté pour l'histoire,
    qu'il me soit permis de lui signaler le cas de Taner Akçam, historien
    turc poursuivi par son gouvernement pour avoir écrit un livre sur le
    génocide arménien à partir de documents turcs qui étaient inconnus :
    le livre s'intitule Un acte honteux (Denoël, 2008)...


    Patrick Devedjian est engagé au sein de la communauté arménienne de
    France, dont il est issu. Il milite pour la reconnaissance du génocide
    arménien par la Turquie

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/30/le-negationnisme-ravive-les-souffrances-du-genocide-armenien_1624348_3232.html



    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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