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Un ete dans La Croix: Les Armeniens de Turquie

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    UN ETE DANS LA CROIX: LES ARMENIENS DE TURQUIE. (7/7).
    J.-C. P.

    La Croix , France
    30 août 2005

    Dossier. Des intellectuels turcs refusent l'Histoire officielle. Les
    cartes postales racontent la coexistence perdue. À travers 750
    photographies prises il y a un siècle, un livre et une exposition
    defendent l'idee d'une societe plurielle. ISTAMBOUL, reportage de
    notre envoye special.

    par PLOQUIN Jean-Christophe

    Sur la carte postale, une ribambelle d'enfants pose devant une rue
    dont les maisons arborent de belles facades. Le clocher d'une eglise
    s'elève non loin. La legende est sobre: "Jmisdt, Quartier armenien".
    La scène, prise a Izmit, figure sur la couverture du livre intitule
    100 Yil once Turkiye'de Ermeniler ("Les Armeniens en Turquie il y a
    100 ans"), edite en janvier a Istamboul. Son editeur, Osman Koker,
    avait aussi organise ce mois-la une exposition sur la grande avenue
    pietonne de la ville, Istiklal caddesi, reprenant le meme concept:
    reveler, par la photographie, l'existence des Armeniens en Turquie
    il y a un siècle.

    Les 750 photographies rassemblees dans le livre representent un
    vertigineux voyage dans le temps. Les legendes - la plupart du temps
    en francais - sont d'une precision clinique: "Souvenir d'Erzurum. Le
    clocher de l'eglise armenienne", "Turquie d'Asie. Van. Boutiques
    armeniennes", "Souvenir de Trebizonde. Vue du cimetière armenien"...
    Une serie de photos fait meme revivre une ville, celle de Kharpout,
    disparue après les massacres de 1915. Une carte venant de la montre les
    21 professeurs d'un collège tenu par des missionnaires americains. Les
    noms sont presque tous armeniens.

    Osman Koker a prepare pendant trois ans ce livre, ainsi que
    l'exposition qui repose sur le meme materiel et qui devrait faire
    etape a Munich dans quelques jours. En janvier, pendant onze jours,
    plus de 10 000 visiteurs, dont beaucoup d'Armeniens, sont passes voir
    les photos sur Istiklal caddesi. "Certains sont restes trois heures,
    puis ils sont revenus avec leurs grands-parents, se souvient-il. Il y
    a en un qui a reconnu son père sur une carte postale de Kharpout. Une
    femme a ecrit sur le livre d'or: "Je suis heureuse d'avoir pu voir
    cette exposition avant de mourir.""

    Quant aux Turcs, ils etaient stupefaits. La plupart ont decouvert
    par ce biais qu'il y a cent ans, des Armeniens vivaient dans leur
    ville d'origine, qu'ils avaient un certain niveau d'education, que la
    cohabitation semblait harmonieuse. "La societe aujourd'hui n'est ni
    dans l'etat de nier le genocide, ni dans l'etat de le reconnaître,
    souligne Hrant Dink, redacteur en chef du journal armeno-turc Agos.
    Elle ne sait pas ce qui s'est passe. Mais elle est en train
    d'apprendre."

    Apparemment neutres, l'exposition et le livre signifient pourtant
    beaucoup. Ceux qui savent regarder comprennent que la Turquie de
    l'epoque avait une identite plurielle, qu'une civilisation a ete
    brutalement arrachee et que le pays a, depuis, beaucoup perdu. "On
    nous dit toujours que les Armeniens ont trahi les Turcs. Mais on
    ne dit jamais que ce sont eux qui ont cree les villes en Anatolie,
    s'indigne Osman Koker. Notre système d'education ne parle pas des
    minorites. L'Histoire commence avec les Turcs et finit avec les
    Turcs. Or, la diversite est très importante pour le developpement
    d'un pays moderne. Si la population prend conscience de cette realite
    perdue, on pourra creer une societe plus pacifique, plus heureuse."

    Originaire de Maras, non loin de la Syrie, Osman Koker se souvient
    d'une Americaine "qui parlait le turc avec l'accent du coin", alors
    qu'il n'avait que dix ans. D'origine armenienne, elle etait venue
    revoir la maison paternelle et l'avait retrouvee. "J'ai decouvert que
    les Armeniens vivaient la auparavant. Et qu'ils etaient chez eux",
    explique-t-il. Il prepare pour l'an prochain une autre exposition sur
    le meme principe, cette fois sur les Grecs. Il publiera aussi, ville
    par ville, des photos comparatives d'une place, d'un edifice, d'un
    lieu, a cent ans d'intervalle, pour montrer parfois la continuite,
    parfois la beance provoquee par l'eradication d'une culture. "La
    question des minorites touche directement a la democratie", resume-t-il
    en un doux sourire.

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