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Discours d'Anne Hidalgo à la Mairie de Paris le 24 avril 2014

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  • Discours d'Anne Hidalgo à la Mairie de Paris le 24 avril 2014

    COMMEMORATION DU GÉNOCIDE
    Discours d'Anne Hidalgo à la Mairie de Paris le 24 avril 2014


    Monsieur l'ambassadeur, Messieurs les présidents, Mesdames et
    Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs,

    Je suis heureuse et fière de vous accueillir aujourd'hui pour
    l'hommage de Paris aux victimes du génocide arménien.

    Je tiens à saluer chaleureusement l'ensemble de la communauté
    arménienne, et en particulier les dirigeants qui organisent cette
    commémoration en partenariat avec la mairie.

    Je pense à Ara TORANIAN et à Mourad PAPAZIAN, co-présidents du CCAF,
    mais également à Alexis GOVCIYAN, qui préside le comité d'organisation
    des cérémonies du centenaire du génocide.

    Je me réjouis également de la présence de Monsieur l'ambassadeur
    Viguen TCHITETCHIAN et de son collègue Christian TER STEPANIAN, qui
    représente son pays auprès de l'Organisation internationale de la
    francophonie.

    Chaque année depuis 2001, nous nous réunissons au coeur de la maison
    des Parisiens pour célébrer la mémoire des hommes, des femmes et des
    enfants exterminés il y a un siècle par un empire malade devenu
    barbare.

    J'ai pour la première fois l'honneur de présider cette cérémonie comme maire.

    C'est donc avec une solennité et une émotion particulières que je
    m'incline silencieusement, au nom de tous les Parisiens, devant
    l'indicible martyr du peuple arménien.

    [Quelques secondes de silence] Le langage est impuissant à rendre
    compte de ce qui s'est passé entre avril 1915 et juin 1916, quand un
    pouvoir barbare destructeur obsédé de civilisation a voulu retrancher
    votre peuple non pas d'une région, non pas d'une nation, mais de
    l'humanité elle-même. Les mots sont impuissants à exprimer les
    souffrances des victimes comme celles des survivants.

    Bien-sûr il y a la litanie des horreurs perpétrées par les bourreaux
    de votre peuple : les perquisitions, les arrestations, les tortures,
    les déportations, les exécutions, les évacuations, les décimations.
    Bien-sûr il y a la litanie des régions d'où les arméniens furent
    arrachés : Trébizonde, Erzurum, Van, Bitlis, Sivas, Kharpout,
    Diyarbakır - et celle des régions où ils furent déportés : les rives
    de l'Euphrate, les déserts de Mésopotamie, le chemin de fer de Bagdad.

    Bien-sûr enfin il y a la litanie des dates et des chiffres qui donnent
    la mesure de l'ambition et de l'organisation criminelle vouées Ã
    l'extermination d'un peuple.

    Mais aucune somme historique, aucune oeuvre d'art, aucun témoignage ne
    peut suffire à appréhender ce crime qui échappe à la raison et dévaste
    la sensibilité. Tout ce qui est inhumain est innommable. L'oubli et le
    déni prospèrent d'ailleurs sur cette souffrance muette des peuples
    martyrs.

    Pour les contrer, il faut nommer, même d'une façon imparfaite,
    l'extermination méthodique d'un peuple par un autre.

    Cette extermination porte aujourd'hui un nom qui ne doit pas nous
    faire peur : c'est le nom « génocide ». Je le dis sans l'ombre d'un
    doute, sans l'ombre d'une nuance, sans l'ombre d'une prudence : le
    peuple arménien a été victime d'un génocide. Et je le dis avec la même
    sérénité, la même clarté, la même fermeté : quiconque nie, quiconque
    conteste, quiconque révise ce génocide doit être condamné. Il en va de
    notre humanité qui ne peut pas, comme le rappelait Jean Jaurès dès
    1897, vivre éternellement avec dans sa cave le cadavre d'un peuple
    assassiné. Ce n'est pas quand l'humanité se retourne pour regarder
    derrière elle qu'elle risque de se pétrifier. C'est quand elle refuse
    de se retourner. Cet examen de conscience historique n'affaiblit pas
    la nation qui s'y soumet. Elle la fait grandir.

    La Turquie a les moyens de cette lucidité qui n'enlèvera rien à sa
    grandeur. Quant à la France, elle a fait un pas important en
    reconnaissant dans le cadre d'une loi le génocide arménien.

    Alors que le négationnisme et le révisionnisme prospèrent, nous devons
    aujourd'hui aller plus loin en interdisant toute contestation de ce
    génocide. Il ne s'agit pas de stigmatiser une communauté, une culture,
    une nation. Il ne s'agit pas de trancher une quelconque concurrence
    entre deux mémoires, deux influences, deux diplomaties. Il s'agit
    simplement de poser et de sanctuariser une vérité historique émancipée
    des jeux de pouvoirs et d'idéologies. C'est à ce prix et à ce prix
    uniquement qu'un dialogue apaisé pourra s'établir et s'épanouir. Paris
    sera fidèle à sa vocation en oeuvrant inlassablement à l'établissement
    de cette vérité et de ce dialogue.

    Notre ville doit beaucoup aux arméniens qu'elle a accueillis dans les
    mois et les années qui ont suivi le génocide.

    C'est leur histoire qui sera racontée aux Parisiens l'année prochaine,
    dans les salons de l'Hôtel de ville où sera présentée une grande
    exposition retraçant leur exode, leur installation et leur intégration
    dans la communauté nationale. Cette intégration exemplaire leur a
    permis de trouver leur place dans notre ville tout en continuant Ã
    transmettre leur culture, leur identité et leur langue aux générations
    nouvelles.

    Parce que le patrimoine culturel arménien est infiniment précieux et
    qu'il a toute sa place à Paris, nous créerons ensemble un centre de la
    mémoire et de la civilisation arménienne. Parce que les sangs
    arméniens et français se sont mêlés sur notre sol pour défendre la
    liberté face au totalitarisme, je soutiendrai également le transfert
    des cendres du groupe Manouchian au Panthéon.

    Enfin, nous continuerons à développer la coopération qui unit Paris Ã
    Erevan. Comme mon collègue Taron MARGARYAN, je veux cette coopération
    tournée vers l'avenir. C'est pourquoi les échanges techniques entre
    nos deux villes vont s'intensifier et trouver, dans l'année qui vient,
    des débouchés concrets notamment dans le domaine de l'éducation.
    Au-delà de la langue, ce sont les valeurs universelles de justice et
    de liberté inhérentes à la francophonie qui cimentent l'amitié
    fraternelle dont Paris et l'Arménie s'honorent. C'est au nom de cette
    amitié que je compte me rendre l'an prochain en Arménie dans le cadre
    des célébrations du centième anniversaire du génocide. Ces engagements
    que j'ai pris de longue date et qu'a immortalisés la caméra de Robert
    Guédiguian dans son bouleversant voyage en Arménie, je les tiendrai
    avec fierté et fidélité.

    Mesdames et Messieurs, l'honneur de Paris est aujourd'hui de
    s'incliner devant les victimes du génocide dont nous commémorons le
    99ième anniversaire. Il est également de s'indigner des remises en
    cause dont il fait encore l'objet près d'un siècle après avoir été
    perpétré. Paris ne laissera jamais un crime contre la vérité prolonger
    un crime contre l'humanité. Paris n'abandonnera pas non plus les
    Arméniens du Proche Orient contraints à l'exode un siècle après leurs
    pères. Ceux de Kessab et ceux d'Alep peuvent compter sur notre ville
    pour alerter la France et le monde sur leur sort. Paris ne laissera
    jamais s'éteindre la voix de votre peuple, parce que cette voix, qui a
    traversé tant d'épreuves, a le privilège d'instruire et d'éclairer le
    reste de l'humanité.

    Elle a le privilège, pour reprendre les mots d'un grand écrivain du
    siècle dernier, de pouvoir aider l'homme à endurer en élevant son
    coeur, en lui rappelant le courage, l'honneur, l'espoir, l'orgueil, la
    compassion, la pitié et le sacrifice qui ont fait sa grandeur. Parce
    qu'elle est unique et parce qu'elle est universelle, cette voix des
    Arméniens sera toujours sacrée pour Paris.

    mercredi 30 avril 2014,
    Ara ©armenews.com




    From: A. Papazian
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