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Le Caucase Bouscule Par La Guerre

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    ANALYSE: LE CAUCASE BOUSCULE PAR LA GUERRE
    par Gaïdz Minassian, [email protected]

    Le Monde
    2 septembre 2008 mardi
    France

    Dix-sept ans après l'effondrement de l'URSS, le Caucase du sud a
    retrouve sa place de carrefour economique dans la mondialisation :
    l'Azerbaïdjan avec son petrole, la Georgie avec son littoral et
    l'Armenie avec sa diaspora.

    Coinces entre les mers Noire et Caspienne, et les massifs caucasien et
    iranien, ces trois Etats doivent leur existence a la chute des Empires
    russe et ottoman en 1918. Cette independance leur a coûte cher. Sous
    les Sovietiques, Moscou a impose un decoupage territorial cynique,
    dont les effets se font encore sentir aujourd'hui. Les Abkhazes et les
    Ossètes, deux peuples sans Etat, refusent la tutelle georgienne. Les
    Armeniens du Haut-Karabakh, province rattachee a l'Azerbaïdjan,
    revendiquent leur union a l'Armenie. Resultat : l'independance du
    Caucase du sud rime avec trois guerres de 1990 a 1994. La Georgie a
    perdu l'Ossetie du Sud et l'Abkhazie. L'Armenie a remporte la guerre
    du Haut-Karabakh contre l'Azerbaïdjan.

    Des processus de paix fragiles ont ete instaures sous l'egide de la
    communaute internationale, consciente que le Caucase est un brasier qui
    couve. En temoignent des regimes nationalistes, des societes hantees
    par la guerre, des budgets pour la defense demesures et des alliances
    strategiques contradictoires. L'Armenie est l'alliee de la Russie
    dans la region. La Georgie est candidate a l'OTAN et l'Azerbaïdjan
    maintient une politique d'equilibre entre Washington et Moscou.

    Cette course a l'armement s'est doublee d'une competition
    economique. Les trois marches se sont redresses et desenclaves de facon
    spectaculaire grâce aux plans du FMI et de la Banque mondiale. Leur
    croissance atteint deux chiffres depuis 1999, notamment pour
    l'Azerbaïdjan, grâce a sa rente petrolière, qui profite a la Georgie
    mais pas a l'Armenie, victime d'un blocus impose depuis 1993 par les
    Azeris. Dès lors, il n'y a aucun plan collectif entre les capitales,
    aucune volonte de partager a trois les fruits de la croissance. Les
    pays du Caucase du sud prefèrent le statu quo de l'Etat-nation aux
    projets de cooperation et d'echanges. Tous ces enjeux accentuent la
    complexite d'une region qui existe mais reste encore a creer.

    Les Etats du Caucase du sud ne sont pas les seuls fautifs. La Russie a
    sa responsabilite dans cette absence d'unite regionale. La guerre entre
    la Russie et la Georgie rappelle a ceux qui en doutaient encore que le
    Caucase du sud compte a plus d'un titre pour Moscou. Symboliquement,
    les Russes ont mis trois siècles a conquerir le Caucase. Ilest hors de
    question pour eux de le quitter. Strategiquement, contrôler le Caucase
    du sud, c'est s'ouvrir sur le Proche-Orient et l'Iran. Moscou refuse
    toute emergence d'un Caucase du sud comme pôle de stabilite dont les
    perspectives peuvent contrarier ses relations avec l'Iran.

    Politiquement, la Russie est contre les " revolutions colorees
    " qui ont emporte la Georgie et l'Ukraine, et dont l'un des
    objectifs est de les eloigner de l'influence russe au profit des
    interets americains. Moscou a reussi, en mars, a casser la dynamique
    revolutionnaire en Armenie. Economiquement, la Russie ne digère pas
    l'existence des pipelines qui la contournent (Bakou-Tbilissi-Ceyhan,
    Bakou-Tbilissi-Soupsa et prochainement Bakou-Tblissi-Erzeroum) et
    bloque tout projet d'exploitation des hydrocarbures de la Caspienne
    qui ne transiterait pas par son territoire.

    L'onde de choc de la guerre en Georgie a donc redistribue les cartes
    dans le Caucase du sud. Pour les stratèges russes, contrôler la
    Georgie, c'est dominer la region. Depuis sa deroute, la Georgie n'est
    plus le pivot regional, la terre a travers laquelle passaient tous les
    projets regionaux. La Russie a impose des zones tampons aux abords de
    l'Ossetie du Sud et installe des check-points sur le principal axe
    routier georgien, ce qui paralyse l'economie du pays et contraint
    l'Armenie et l'Azerbaïdjan a s'adapter. Aux premières heures de la
    guerre, les presidents armenien et azeri, Serge Sarkissian et Ilham
    Aliev, qui se trouvaient a Pekin pour l'ouverture des JO, ont reagi
    avec retenue. L'Armenie, qui a perdu 90 % de ses approvisionnements
    après la destruction des infrastructures georgiennes, a " souhaite
    un règlement politique de la crise ". L'Azerbaïdjan, qui a ferme
    ses oleoducs en direction de la Georgie et transfere la livraison
    de son petrole sur le pipeline russe, situe plus au nord, a appele
    " ses amis russe et georgien a se reconcilier ".

    SUD FRAGMENTE ET SANS PIVOT

    Cette ponderation cache une triple inquietude. La Russie defend
    desormais ses interets par les armes. L'Armenie faisant partie de
    la zone d'influence russe, l'Azerbaïdjan, qui organise son election
    presidentielle le 15 octobre, est averti. Meme si Russes et Azeris
    ont signe un partenariat economique en juillet, les interets
    armeniens n'ont pas ete sacrifies sur l'autel de la normalisation
    russo-azerie. Mais l'Armenie reste sur ses gardes.

    Ensuite, le coup de force de la Russie peut affecter la question
    du Haut-Karabakh. Depuis 1992, cette crise, prise en charge par
    l'Organisation pour la securite et la cooperation en Europe (OSCE),
    n'a toujours pas ete reglee. A la lecture des evenements en Georgie,
    tout recours a la force pour resoudre ce conflit paraît exclu ou
    risque. En outre, le plan franco-russe, signe par Moscou et Tbilissi
    sans aucune reference a l'integrite territoriale de la Georgie,
    inquiète l'Azerbaïdjan, confronte a la meme problematique avec le
    Haut-Karabakh.

    L'UE l'a assorti de trois points dont le principe d'intangibilite de
    la Georgie. Mais les Azeris accordent plus d'importance aux propos
    equivoques de Dmitri Medvedev sur la distinction qu'il opère entre
    " souverainete " et " integrite " qu'a l'engagement relatif de
    l'Europe des 27, unis derrière un protocole d'accord fragile et
    dont l'interpretation reste aleatoire. Par ailleurs, le president
    de la Russie a reconnu, le 26 août, l'independance de l'Abkhazie et
    de l'Ossetie du Sud, après le vote des deux Chambres russes. Qu'en
    sera-t-il du Haut-Karabakh ?

    Enfin, l'Armenie et l'Azerbaïdjan n'ignorent pas que la Russie peut,
    en cas d'echec de la diplomatie dans la crise georgienne, utiliser
    les minorites armeniennes et azeries de Georgie pour destabiliser
    le regime de M. Saakachvili. Ces populations, etablies dans le sud
    du pays dans les regions de Samtskhe-Djavakheti et Kvemo-Kartli, ont
    des velleites d'autonomie. En cas d'escalade en Georgie, l'Armenie et
    l'Azerbaïdjan risquent d'etre pris dans le tourbillon de la guerre,
    au seul profit de la Russie. Car pour elle, seul compte un Caucase
    du sud fragmente et sans pivot, le regard tourne vers Moscou.

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