Announcement

Collapse
No announcement yet.

Le Haut-Karabakh : deux poids, deux mesures...

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Le Haut-Karabakh : deux poids, deux mesures...

    Le Haut-Karabakh : deux poids, deux mesures...
    by Anne-Marie Mouradian

    http://www.grotius.fr/
    Dec 03, 2009 04:48 PM

    The principle is that the EU grants its development aid to populations
    in need regardless of political considerations. But the truth is
    difference. An article in French about the EU's attitude to Nagorno
    Karabakh. This article was published on http://www.grotius.fr/ by
    Anne-Marie Mouradian.


    L'Union européenne accorde en principe son aide humanitaire en
    fonction des besoins des populations locales et non de considérations
    politiques. La réalité est moins lisse. En témoigne la différence de
    traitement envers deux républiques sud-caucasiennes autoproclamées et
    au statut comparable : l'Abkhazie qui a fait sécession de la Géorgie
    en 1992, d'une part, le Haut - Karabakh, enclave arménienne offerte à
    l'Azerbaïdjan par Staline, qui a voté son indépendance en 1991, de
    l'autre.

    Deux « conflits gelés » à la suite de guerres d'indépendance
    meurtières. La dernière crise russo-géorgienne et la signature, en
    octobre, des protocoles arméno-turcs les ont rappelés au bon souvenir
    de la communauté internationale.

    Nonobstant le fait qu'elle ne la reconnaisse pas comme Etat, l'Union
    européenne a des relations de facto avec l'Abkhazie. Elle lui fournit
    une aide humanitaire, finance des projets visant à améliorer les
    conditions de vie des habitants et des programmes de réhabilitation
    économique. A travers ce modus vivendi, l'Europe a été en 2008 un
    important donateur avec des projets « apolitiques » dont la mise en
    `uvre n'était pas conditionnée à l'avancement des négociations ou à un
    règlement du conflit.

    L'UE refuse en revanche toute assistance au Haut-Karabakh et le
    service d'aide humanitaire de la Commission européenne, ECHO, est
    absent de l'enclave. Peter Senneby, l'envoyé spécial de l'Union
    européenne pour le Caucase du Sud, s'est rendudepuis son entrée en
    fonction, il y a trois ans, en Ossétie du Sud et en Abkhazie, mais il
    n'est jamais allé au Haut-Karabakh. Deux poids, deux mesures pour ne
    pas fcher Bakou. «Nous ne voulons pas », explique une source à la
    Commission de Bruxelles, «créer de problèmes avec Bakou, avec le
    gouvernement azerbaïdjanais qui considère toute aide à la population
    du Haut-Karabakh comme une atteinte à sa souveraineté. Peter Senneby a
    eu l'intention, à plusieurs reprises, d'aller à Stepanakert, la
    capitale de l'enclave, mais a dû à chaque fois renoncer, voire
    rebrousser chemin, sous la pression de Bakou».

    Les Etats-Unis octroient, pour leur part, une assistance humanitaire
    directe au Haut-Karabakh, fixée pour 2009 à 8 millions de dollars.
    L'USAID y finance des projets de santé, d'approvisionnement en eau
    potable, agriculture de subsistance, reconstruction des écoles et
    habitations, programmes de micro-crédits...Pour tenter des combler les
    lacunes humanitaires, quelques ONG internationales sont également
    présentes, dont le Comité International de la Croix Rouge ou l'ONG
    britannique « Halo Trust » spécialisée dans le nettoyage des mines
    anti personnelles qui, quinze ans après le cessez le feu, continuent
    de tuer et mutiler. Mais les besoins sont considérables.

    Exsangue et détruite à 80% à l'issue de la guerre avec l'Azerbaïdjan,
    le Haut-Karabakh, un « Etat qui n'existe pas mais qui est bien là »,
    s'est attelé à sa reconstruction avec l'aide, principalement, de la
    république d'Arménie elle-même isolée économiquement par le double
    blocus turco-azéri, et d'organisations humanitaires arméniennes des
    Etats-Unis et d'Europe, puisqu'à défaut d'un accès à la mer comme la
    Géorgie ou de pétrole comme l'Azerbaïdjan, les Arméniens possèdent une
    diaspora.

    Absente sur le plan humanitaire et du développement, l'UE ne participe
    pas non plus directement aux négociations sur le Haut-Karabakh entre
    l'Arménie et l'Azerbaïdjan menées sous l'égide du groupe de Minsk de
    l'OSCE. Elle n'est pas pour autant inactive et compte financer des «
    mesures de confiance » entre les sociètés civiles des parties en
    conflit, indique-t-on à Bruxelles. Mais ces programmes de contacts et
    de rencontres restent limités aux populations de l'Arménie et de
    l'Azerbaïdjan, en excluant les habitants du Haut-Karabakh qui semblent
    considérés par la communauté internationale plus comme un enjeu que
    comme des acteurs. Comment `uvrer pour la paix en ignorant la
    dynamique locale ? Le Parlement européen a invité l'UE à sortir de ce
    paradoxe en élargissant les contacts aux principaux intéréssés et en
    facilitant des contacts entre les populations du Haut-Karabakh et
    d'Azerbaïdjan.

    Fragiles protocoles arméno-turcs
    La problématique a été relancée avec la signature le 10 octobre, sous
    énorme pression américaine, des protocoles entre l'Arménie et la
    Turquie, sur fond de nouveau grand jeu géopolitique au Sud-Caucase.
    L'ouverture de la frontière fermée par la Turquie depuis 1993 et le
    rétablissement de relations diplomatiques devraient contribuer, en
    principe, à stabiliser la région et permettre à l'Occident de
    sécuriser son approvisionnement énergétique depuis le bassin de la
    Caspienne.

    Jusqu'ici, la Turquie avait mis trois conditions à l'ouverture de sa
    frontière avec l'Arménie : que Erevan renonce à revendiquer la
    reconnaissance du génocide arménien par les Turcs ottomans qu'Ankara
    s'obstine à nier depuis 94 ans ; que le conflit du Haut-Karabakh soit
    résolu de manière satisfaisante pour l'Azerbaïdjan, que Erevan
    reconnaisse les frontières actuelles comme légales, renonçant à
    d'éventuelles revendications territoriales et réparations.

    Côté arménien, les autorités ont répété qu'elles ne demandaient aucun
    préalable tout en précisant qu'il ne peut être question de remplacer
    un embargo matériel par un embargo sur la mémoire. Des opposants aux
    protocoles en Arménie comme dans la diaspora, jugent quant à eux toute
    normalisation impossible tant que l'Etat turc, par son négationnisme
    et son refus de tout acte de contrition, gardera toujours béante la
    plaie du génocide arménien.

    Concernant le Karabakh, il ne peut, estime Erevan, servir de
    marchandage à une normalisation arméno-turque. La république de facto
    qui n'a pas oublié les pogroms antiarméniens en Azerbaïdjan, rejette
    catégoriquement toute idée de retour sous l'autorité de Bakou. Le
    compromis global proposé par les médiateurs du groupe de Minsk porte
    sur la définition du statut final de l'enclave dans le cadre d'un
    referendum d'autodétermination, la question des réfugiés et personnes
    déplacées, le retour sous contrôle azerbaïdjanais des zones tampon
    entourant le Haut-Karabakh et un corridor reliant l'enclave à
    l'Arménie. Pour Erevan, il s'agit d'un paquet à négocier dans son
    ensemble. Bakou s'oppose au referendum d'autdétermination.

    Face aux menaces de guerre régulièrement agitées par le président
    Aliyev, un retrait des forces arméniennes de la ceinture de sécurité
    qu'elles occupent autour du Haut-Karabakh rendrait l'enclave
    vulnérable, sinon indéfendable en cas d'attaque ; elles n'envisagent
    de s'en retirer que si elles sont remplacées par une force
    internationale. Les médiateurs ont proposé le déploiement d'une
    mission de paix mais aucun Etat, à part la Russie, n'est prêt à
    envoyer de troupes. « Nous n'avons reçu aucun signal dans ce sens de
    la part de nos responsables politiques » constate un expert du Comité
    militaire de l'UE.

    « En cette période de crise financière et de réduction des budgets,
    l'UE envisage moins que jamais de déployer une mission de paix autour
    du Karabakh» confirme-t-on à la Commission européenne. Comme le relève
    Bruno Coppieters, professeur de sciences politiques à la Vrije
    Universiteit Brussel, « Le problème des Etats non reconnus
    internationalement, c'est qu'on peut difficilement garantir leur
    sécurité et empêcher l'usage de la force à leur encontre. C'est ce qui
    s'est passé dans le cas de l'Akhazie, en août 2008. Il faut que la
    communauté internationale trouve le moyen de prévenir les menaces
    d'agression dans ce genre de situation ».

    Officiellement, les protocoles arméno-turcs ne prévoient rien d'autre
    que l'ouverture de la frontière et la normalisation sans préalables
    des relations bilatérales entre la Turquie et l'Arménie, après
    ratification par leurs parlements.

    L'accord à peine signé, le Premier ministre Erdogan subordonnait
    pourtant leur mise en `uvre à une solution du conflit du Karabakh. Le
    parlement turc ne ratifiera pas les protocoles tant qu'il n'aura pas
    obtenu satisfaction sur cette question, en comptant sur la fragilité
    d'une Arménie rendue économiquement vulnérable par le blocus. Un
    calcul qui balaierait les engagements des « parrains » occidentaux et
    équivaudrait à torpiller le processus de normalisation. Reconnaître
    qu'il a été « piégé» et accepter une formule mettant en danger le
    statut et la sécurité du Haut-Karabakh contraindrait le Président
    arménien Serge Sarkissian à la démission. Avant lui, l'ancien
    président Levon Ter-Petrossian en a fait l'expérience dans des
    circonstances comparables.

    Nul ne sait à ce stade ce qui sortira des protocoles arméno-turcs. Le
    chemin est encore long à parcourir et laisse prévoir de complexes et
    obscures man`uvres diplomatiques. Leur mise en `uvre inconditionnelle
    permettrait un début de rapprochement, premier pas d'un long et
    difficile processus, sachant que normalisation et réconciliation sont
    deux notions différentes. La première relève d'une décision d'Etat à
    Etat. La seconde nécessite l'assentiment et l'adhésion des peuples,
    clé d'une véritable stabilisation.

    *Anne-Marie Mouradian est journaliste, correspondante de plusieurs
    médias internationaux (Bruxelles).
Working...
X