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Turquie : " Cette Douleur N'Est Pas La Nutre "

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    Turquie : " Cette Douleur N'Est Pas La Nutre "

    Source/Lien : Azad Alik
    Publié le : 14-06-2011
    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=54901

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le 12 mai 2011, Serhat
    Uyurkulak a signé sur le site turc Birdirbir, son point de vue
    critique et pertinent sur les termes de l'initiative de l'Association
    DurDe Â" Cette souffrance nous appartient a tous Â", menée par des
    intellectuels de Turquie le 24 avril 2011 a Istanbul : Â" D'aucuns
    peuvent se demander si l'enfer est vraiment pavé de bonnes intentions.

    Je ne suis pas sÃ"r du genre de réponse que j'obtiendrais des
    Arméniens si je leur disais, dans le but d'être une personne avec
    une conscience claire, que je considère ce qu'ils ont vécu en 1915
    comme ma propre douleur également. Â" L'article de Serhat Uyurkulak
    a été traduit en anglais sur le site Azad Alik. A partir de cette
    première traduction, le Collectif VAN propose aujourd'hui une
    version en francais. Vous trouverez a la suite de cette traduction,
    le communiqué auquel Serhat Uyurkulak fait référence ici.

    Légende photo : manifestation de l'Association turque DurDe a Istanbul
    (Taksim), le 24 avril 2011 : "Cette souffrance nous appartient a tous".

    http://youtu.be/l6PFuzqP2D0

    Cette douleur n'est pas la nôtre

    Azad Alik - Birdirbir

    Il y a besoin de justice, pas de compassion

    De Serhat Uyurkulak

    J'estime avoir de la chance de ne pas avoir vu beaucoup de décès
    de près. Mais, lors de la plupart des visites de condoléances,
    j'ai assisté a la même scène. Alors que la souffrance montait en
    flèche pour atteindre un degré presque palpable, quelqu'un fondait
    soudain en larmes et gémissait, disant qu'il voulait sortir le
    défunt de sa tombe et allant jusqu'a indiquer sa volonté de prendre
    sa place. Sous le regard étonné des membres de la famille, les gens
    s'interrogeaient discrètement les uns les autres pour savoir qui cette
    personne pouvait bien être. Et, souvent, il s'avérait que 'le voleur
    de chagrin' était quelqu'un que sa conscience tourmentait car il se
    sentait redevable au défunt de quelque chose, d'une facon ou d'une
    autre. La chose la plus étrange, c'est que la famille en oubliait
    presque sa propre peine pour que le 'voleur de chagrin' se sente
    mieux. Le vrai supplice commencait quand il lui incombait, a elle,
    de consoler cette personne qui avait quelque chose que la conscience.

    Je souhaite vraiment être quelqu'un ayant une conscience et une vie
    sans tache et j'essaie de faire de mon mieux pour vivre selon ce
    principe. Â" Avoir la conscience tranquille Â" est une expression
    utilisée dans la déclaration de l'initiative Â" Cette souffrance
    est la Nôtre Â", publiée de plus en plus souvent dans les réseaux
    sociaux et autres médias au fur et a mesure qu'approchait le 24
    avril*. La déclaration affirmait que ce qui avait été fait aux
    Arméniens, qui étaient des sujets ottomans en 1915, devait être
    qualifié de crime contre l'humanité. De plus, les auteurs appelaient
    chacun d'entre nous, qui étions Â" unis sur la base des valeurs
    fondamentales de l'humanité Â", a déclarer que 1915 était Â"
    la douleur commune Â" de chaque personne vivant en Turquie.

    D'aucuns peuvent se demander si l'enfer est vraiment pavé de bonnes
    intentions. Par exemple, je ne suis pas sÃ"r du genre de réponse que
    j'obtiendrais des Arméniens si je leur disais, dans le but d'avoir la
    conscience tranquille, que je prends ce qu'ils ont vécu en 1915 comme
    aussi ma propre douleur. Je ne suis pas sÃ"r, parce que je sais que
    j'appartiens a Â" un élément constitutif Â" qui a été privilégié
    par une République qui a décidé de soutenir l'Ã~Itat qui a commis le
    génocide (appelez-le exil forcé ou Grande Catastrophe si vous voulez)
    plutôt que de rompre les liens avec celui-ci. Bien que je ne me voie
    pas comme tel, c'est ce que je suis historiquement et structurellement.

    Sans aucun doute, il est très dur d'accepter la situation telle
    qu'elle est, mais parfois les faits outrepassent les intentions. Si
    convaincus que nous soyons d'être radicalement différents des élites
    dirigeantes et même des gens ordinaires de la période autour de 1915,
    cela ne change pas grand-chose au tableau. De plus, aussi pacifiques
    et partageuses soient-elles, la bonne volonté et la conscience
    individuelles ne peuvent pas résoudre le problème principal, car
    la paix et la collaboration ne sont possibles que par le biais de la
    justice. Au-dela des intentions, il est nécessaire de reconnaître
    les faits survenus et il faut que justice soit faite. Malheureusement,
    la compassion des gens bien intentionnés, qui signifie a peine plus
    qu'une petite tape dans le dos, ne peut pas remplacer la vraie justice.

    Dans ce pays semblable a une gigantesque maison de veillée funèbre,
    on attend des victimes qu'elles consolent et réconfortent tous les
    autres, particulièrement ceux qui ont mauvaise conscience. C'est
    précisément la raison pour laquelle je ne peux pas m'empêcher
    de dire que cette douleur ne nous appartient pas a tous, mais aux
    Arméniens.

    Je ne pense pas que le dire signifie qu'on est une personne sans
    coeur ou inhumaine. Au contraire, je crois qu'il est plus humain de
    ne pas m'approprier la souffrance de ceux qui ont été effacés de la
    surface de ce pays dont je suis un citoyen, eux dont j'ai utilisé les
    propriétés, les maisons dans lesquelles j'ai vécu, et de la richesse
    desquels j'ai profité même si ce n'est que structurellement parlant.

    Ce qui est nécessaire, ce n'est pas d'avoir ce sentiment a la mode
    appelé empathie, mais d'assumer la responsabilité de ce qui est
    arrivé et de travailler pour la justice, bien que cela puisse être
    dur ou même insupportable a admettre. Finalement, si 1915 a été
    notre souffrance commune depuis le début, pourquoi avons-nous attendu
    l'assassinat de Hrant Dink pour le ressentir et le déclarer ? Je me
    demande vraiment pourquoi.

    *Association DurDe http://www.durde.org/ - Le site où l'appel était
    en ligne n'est plus en fonction : http://www.buacihepimizin.net/

    ©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 14 juin
    2011 - 07:17 - www.collectifvan.org

    Texte original en turc :

    1915: BU ACI HEPÄ°MÄ°ZÄ°N DEÄ~^Ä°L

    Lire aussi :

    Génocide arménien : prise de conscience turque

    Génocide arménien : Â" Cette peine est la NOTRE Â"

    Pétition turque pour stopper la reconnaissance du génocide

    L'article de Serhat Uyurkulak fait référence a cet appel intitulé Â"
    Cette souffrance nous appartient a tous Â" émanant de l'association
    turque DurDe. Contrairement aux militants de l'Association des droits
    de l'Homme de Turquie-IHD, les représentants de l'Association DurDe
    n'utilisent pas le terme Â" génocide arménien Â", mais celui de Â"
    crime contre l'humanité Â" :

    Cette souffrance nous appartient a tous.

    Le 24 Avril 1915 marque le début de la catastrophe dont fut victime
    le peuple arménien qui vivait depuis des siècles dans ce pays en
    côtoyant les autres peuples, mais qui fut arraché de ses terres,
    de sa maison, de son champ, de son travail, de sa profession par la
    force de l'Etat.

    Des centaines de milliers d'Arméniens ont péri, ont été tués,
    ont connu l'exil et toutes sortes de supplices, du seul fait qu'ils
    étaient Arméniens et sans qu'aucune distinction ne soit faite entre
    les femmes, les enfants, les vieillards et les malades.

    Depuis lors, l'Etat et les gouvernements ont tenté de déguiser, sinon
    de sous-estimer et même de légitimer - en prétextant des raisons
    telle que celle de la révolte - cet événement abominable. Or,
    cet exil fatal, qu'aucune excuse ne saurait justifier, est a n'en
    pas douter un crime commis contre l'humanité.

    Mais il importe de savoir que :

    Tant que la politique officielle de l'Etat qui nie ce crime perdure,
    la blessure qui saigne en silence dans le cÅ"ur des gens de ce
    pays s'approfondit et paralyse de plus en plus notre esprit, notre
    conscience ainsi que notre sens du droit et de la justice.

    Nous devons a présent mettre un terme a cela. C'est pour cette raison
    que nous convions tous ceux et celles qui souhaitent que ce pays soit
    celui des gens de bonne conscience a un devoir d'humanité qui a bien
    trop tardé. Nous appelons a déclarer que ce grave crime qui est
    marqué par la date du 24 Avril 1915 est une souffrance commune a nous
    tous qui nous réunissons autour des valeurs humaines essentielles. Â"

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