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Les relais de l'arménophobie en France

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  • Les relais de l'arménophobie en France

    EDITORIAL
    Les relais de l'arménophobie en France


    Faut-il pour donner des gages de son amitié envers la Turquie
    obligatoirement s'impliquer dans le combat contre la loi pénalisant le
    négationnisme du génocide des Arméniens ? Peut-on aimer la Turquie,
    promouvoir le rapprochement franco-turc, sans agir contre les intérêts
    et les droits du peuple arménien, sans faire le jeu d'Ankara dans sa
    politique internationale de dénégation du génocide ? Les véritables
    défenseurs turcs des droits de l'homme, qui représentent l'honneur de
    leur pays, pensent exactement le contraire. Mais les événements qui
    ont ponctué l'épisode de la loi Boyer ne prêtent guère à cet égard à
    l'optimisme.

    Les luttes d'influence qui se sont manifestées à l'occasion de cette
    actualité ont en effet mis en lumière l'existence d'un important
    réseau de soutien à Ankara qui s'est mobilisé comme un seul homme pour
    faire échec à cette demande de la communauté arménienne, qui a
    finalement été invalidée par le Conseil constitutionnel.

    Mais quelles sont ces forces qui se sont fait un devoir de voler de
    cette façon au secours du nationalisme turc ? Les derniers événements
    ont fait apparaitre un triptyque qui se construit dans le sillage d'un
    certain nombre d'associations turques de France, de l'institut du
    Bosphore et des réseaux tissés autour de l'université franco-turque de
    Galatasaray. Le premier volet de ce triptyque a fait l'objet d'un
    rapport accablant de la DCRI dont Le Point et NAM ont diffusée les
    bonnes feuilles fin mars. Cette enquête a mis en évidence le maillage
    existant entre les organisations turques ayant appelé à la
    manifestation du 21 janvier et les Loups gris, une faction
    politico-mafieuse jouant les supplétifs des services secrets turcs (
    MIT), pour leurs basses besognes (cf : le scandale de Susurluk).

    Mais si le positionnement des Loups Gris à l'endroit de la communauté
    arménienne n'a en soi rien de surprenant, il en va en revanche tout
    autrement de l'action d'un certain nombre d'organismes liés à la
    Turquie qui se sont fait un devoir d'être pro-actif contre cette loi.
    L'intervention de l'Institut du Bosphore sur les députés français pour
    les inciter à saisir le Conseil Constitutionnel demeure à cet égard
    emblématique. Présentée comme un « espace d'échanges et de débat
    permanent, libre et objectif, » qui « ambitionne de faciliter la
    réflexion en commun des Français et des Turcs sur l'Europe et le monde
    actuel », cette structure a dévoilé un vrai visage de lobbyiste
    anti-arménien. Arguant des bonnes relations franco-turques, elle s'est
    en effet permise d'exercer le 24 janvier 2012 des pressions directes
    et individuelles sur les députés pour qu'ils saisissent le Conseil
    constitutionnel afin d'invalider la loi votée. Parallèlement,
    quelques-uns de ses membres les plus prestigieux sont intervenus en
    leur nom propre dans le débat pour faire pencher la balance ( Alain
    Juppé à droite, Catherine Tasca à gauche).

    Mais outre ce lobby politico-économique financé par le patronat turc
    (la TUSIAD), l'affaire de la loi a aussi mis en exergue l'existence
    d'une autre mouvance qui est en train d'investir le champ du savoir et
    celui du pouvoir intellectuel en France. Ce courant s'organise autour
    de l'université francophone de Galatasaray et agit en complémentarité
    avec l'institut du Bosphore. Dans un discours prononcé le 24 mars à la
    Sorbonne, Jean-Claude Colliard (président de Paris I qui a noué un
    accord de partenariat avec ses homologues de Galatasaray) s'est révélé
    d'une confondante transparence. Saluant l'action de Robert Badinter
    contre cette loi, il en a attribué le mérite à cette université
    francophone d'Istanbul qui l'a nommé docteur honoris causa le 11 mars
    2011. Au cours de la même prise de parole, Jean-Claude Colliard, s'est
    également flatté que « l'association française du droit
    constitutionnel » liée par son président à Paris I , a déposé un
    mémoire contre cette loi devant le Conseil Constitutionnel. Ainsi,
    pendant que l'institut du Bosphore déplaçait le champ de bataille vers
    la rue de Montpensier, ses alliés de l'université francophone
    d'Istanbul y fourbissait leurs armes .

    Voilà pour ce qui concerne la face visible des réseaux d'influence du
    nationalisme turc qui ont déjà pris pied en France, en attendant peut
    être un jour qu'Ankara ait officiellement et légalement droit de citer
    et de légiférer, à part entière, en Europe. Mais il n'est pas interdit
    de penser à la lumière de l'expérience américaine dans ce domaine
    qu'il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg. En août
    2005, le célèbre mensuel Vanity Fair avait publié un article
    retentissant relatif à la véritable entreprise de corruption mise en
    place par Ankara sur les élus outre-Atlantique. Le nom de Denis
    Hastert, président de la chambre des représentants avait été cité. On
    ne dispose pas encore de preuves afférentes à l'existence de telles
    pratiques dans l'hexagone. Mais il n'y a aucune raison de penser que
    la République soit épargnée par ces moeurs à la fois inhérentes à
    l'arsenal de la fameuse diplomatie turque et édifiante quant aux
    secrets de sa réussite.

    Ara Toranian

    dimanche 1er avril 2012,
    Ara ©armenews.com

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