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Génocide, le déni se fissure

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    Le Temps, Suisse
    Samedi 29 Juin 2013

    Génocide, le déni se fissure

    Deux journalistes ont enquêté en Turquie autour des survivants et de
    la mémoire des massacres des Arméniens

    S. A.
    CULTURE/LIVRES


    Le génocide des Arméniens a permis l'émergence d'une conscience
    nationale nouvelle, dont les chrétiens, qui constituaient 30% des
    habitants de l'Empire ottoman finissant, sont pratiquement absents -
    une identité qui ne peut être maintenue que par le déni, comme le
    souligne l'historien Taner Akçam*. Pourtant, ici ou là, le mur du
    silence s'érode. Correspondants, la première pour Le Figaro et le
    second pour Le Monde, Laure Marchand et Guillaume Perrier ont enquêté
    dans ses fissures.

    Sur le paysage contrasté et émouvant qu'ils y ont trouvé, on rencontre
    un voyagiste spécialisé dans les tournées mémorielles d'Arméniens
    venus des Etats-Unis et de France visiter les ruines de leurs maisons
    familiales dans des villages pas toujours mécontents de cette nouvelle
    forme de tourisme. Des petits-enfants de femmes arméniennes mariées de
    force dans des familles turques ou kurdes et des descendants de
    convertis, aux prises avec une identité longtemps niée qu'il leur est
    désormais possible, grce à une timide libération de la parole,
    d'explorer. Des militants qui luttent pour redonner vie à des édifices
    religieux abandonnés, transformés en granges ou à moitié détruits. De
    rares municipalités qui, comme celle de Diyarbakir, en pays kurde,
    restaurent des églises, voire ressuscitent des noms de rues effacés
    avec la mémoire des chrétiens qui les habitaient. Des opposants de la
    gauche dure qui ont presque tous, - bizarrement, des ascendances
    arméniennes et des activistes alévis qui sont peut-être, pour certains
    au moins, dans le même cas.

    Car, et c'est une réalité gênante aussi bien pour une diaspora qui se
    voit comme unique héritière d'un peuple disparu que pour un Etat qui
    nie toujours le génocide, les survivants et leurs descendants vivent
    toujours en Turquie, le plus souvent enfermés dans le silence, la
    crainte, voire le déni. Leur permettre de retrouver une visibilité
    démocratique est un moyen de recréer les bases d'un avenir commun.
    Telle était la conviction du poète et journaliste Hrant Dink dont
    l'aura exceptionnelle a beaucoup fait pour libérer leur parole. Après
    son assassinat en 2007, des milliers de Stambouliotes sont descendus
    dans la rue au cri de «Nous sommes tous des Arméniens».

    Impensable quelques années plus tôt, cette émotion populaire ne met
    pas fin au déni. Mais elle témoigne du refus d'une partie, encore
    minoritaire, de la société turque de se laisser prendre en otage par
    le récit nationaliste. Ce qui peut conduire à se trouver de nouveaux
    héros: car, comme le relèvent en conclusion les deux journalistes, il
    y eut aussi des justes turcs.

    * Historien, auteur de la préface et de The Young Turks' Crime Against
    Humanity, Princeton University Press, 2012.

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