Announcement

Collapse
No announcement yet.

Hrant Dink Commemore A Francfort

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Hrant Dink Commemore A Francfort

    HRANT DINK COMMEMORE A FRANCFORT

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=78425
    Publie le : 11-02-2014

    Info Collectif VAN -www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous invite
    a lire la traduction de Georges Festa d'un article en anglais de Muriel
    Mirak-Weissbach publie sur le site The Armenian Mirror-Spectator, mise
    en ligne sur le site Armenian Trends - Mes Armenies le 8 fevrier 2014.

    Armenian Trends - Mes Armenies

    samedi 8 fevrier 2014

    Le pouvoir propre a l'art d'emouvoir l'esprit et le coeur : Hrant
    Dink commemore a Francfort

    par Muriel Mirak-Weissbach

    The Armenian Mirror-Spectator, 01.02.2014

    FRANCFORT - Tous ceux qui doutent de l'existence d'un mouvement
    grandissant en Turquie, desireux de profondes reformes
    politiques, incluant en premier lieu la reconnaissance du
    genocide de 1915, devraient reflechir sur le rassemblement en
    masse d'Istanbul, le 19 janvier dernier, signale par The Armenian
    Mirror-Spectator la semaine dernière. Les films qui circulent
    sur l'internet (tel que www.youtube.com/watch?v=_RuZDt6wj4k
    ouwww.youtube.com/watch?v=ELFOe-lvZ5Q) donnent une idee du potentiel
    que ce mouvement de la societe civile turque represente, du fait,
    entre autres, qu'il croise de plus en plus les fils de plusieurs
    demandes d'ordre politique en rapport avec lui, pour n'en faire qu'un.

    Ceux qui reclament "justice" ne reclament donc pas seulement que les
    assassins de Hrant Dink soient identifies et poursuivis en justice,
    mais aussi que le regime du droit remplace un système lourd de
    decisions motivees par la politique, de corruption, de violations
    des droits de l'homme et d'une deformation deliberee des faits
    historiques. Des manifestations du parc Gezi au branle-bas actuel,
    suscite par les scandales de corruption, un processus nouveau est en
    cours, susceptible de conduire le pays vers un changement fondamental.

    C'est l'un des messages que Dogan Akhanli, ecrivain turco-allemand,
    a adresse lors d'un echange avec une salle comble, venue assister
    a son monologue theâtral Le silence d'Anne, presente a Francfort
    dans le cadre de manifestations nationales, ce week-end. Victime,
    lui-meme, de harcèlement judiciaire pour ses travaux sur le genocide
    armenien, Akhanli exprima son optimisme que le debat public sur
    1915, qui touche des couches de plus en plus larges de la population,
    parvienne a catalyser une percee jusqu'au niveau du pouvoir. Soulignant
    la mort de Dink comme un tournant dans un processus national, il
    nota l'importance du facteur de culpabilite : "Les gens se sentent
    coupables, expliqua-t-il, parce qu'ils ne l'ont pas protege." Ajoutant
    qu'il est significatif que les commanditaires du meurtre aient choisi
    de tuer non un intellectuel turc dissident, mais plutôt un Armenien.

    La pièce d'Akhanli aborde directement ce complexe. Elle prend le
    cas d'une jeune fille turque, prenommee Sabiha, qui a grandi en
    Allemagne avec sa mère et qui, bien qu'assimilee, est attiree par
    la rhetorique nationaliste turque, au point d'adherer a la version
    officielle sur le genocide de 1915 et de prendre la parole lors d'un
    rassemblement en memoire de Talaat Pacha. A la mort de sa mère, elle
    decouvre une croix armenienne tatouee sur sa poitrine et traverse une
    profonde crise d'identite. Hrant Dink est la figure qui lui permet
    de traverser cette crise : elle s'entretient brièvement avec lui
    par telephone a Agos et, peu après, suit la couverture en direct de
    ses funerailles a la television turque. La pièce developpe le drame
    personnel de Sabiha (inspire par une histoire reelle) et intègre des
    materiaux documentaires sur Dink, son oeuvre et sa mort inopinee. Le
    public vit donc indirectement ce processus traumatique, revivant dans
    un sens ce que des centaines de milliers de citoyens en Turquie et
    a l'etranger ont connu, fin janvier 2007.

    La pièce a ete jouee a plusieurs reprises dans differentes villes
    allemandes (et aussi a Erevan) par l'actrice armeno-allemande Bea
    Ehlers-Kerbekian, recevant un accueil enthousiaste. Mais, a Francfort,
    elle a provoque une moindre explosion psychologique et emotionnelle,
    due au fait que l'ecrasante majorite de l'assistance etait d'origine
    turque. Le lieu lui-meme etait particulier; le Gunes Theater est un
    collectif d'artistes d'avant-garde, qui ont debute comme un groupe
    alternatif d'etudiants a Ankara, en 1991. Ils cherchaient a presenter
    de nouvelles formes de communication entre acteurs et spectateurs;
    en tant que membres d'un collectif, les acteurs etaient en meme temps
    auteurs, metteurs en scène et directeurs de theâtre, un phenomène
    très nouveau en Turquie. Ils se produisaient aussi dans des endroits
    insolites, comme des villages, des bidonvilles, des ghettos et les rues
    des grandes villes, abordant des thèmes politiques et sociaux dans
    la Turquie contemporaine. En combinant des aspects de la tradition
    theâtrale occidentale avec des elements orientaux, dont la danse
    anatolienne, ils attiraient des visiteurs originaires de milieux
    culturels differents.

    En 1995, ils commencèrent a se produire en Europe, tandis que leurs
    pièces faisaient de plus en plus l'objet d'attaques dans leur pays. Du
    fait de leurs prises de position politiques critiques, les membres du
    collectif etaient toujours plus frequemment arretes et traduits en
    justice. En 1998, ils choisirent de s'appeler Gunes (pour Anatolie,
    nommee a l'epoque byzantine 'la terre du soleil levant'), travaillant
    a la fois en Turquie et en Europe, jusqu'a ce que des pressions
    politiques les contraignent a emigrer en 2002 vers leur residence
    actuelle a Francfort.

    C'est ce meme Gunes Theater qui accueillait Le silence d'Anne, les 17
    et 18 janvier. Lors des deux representations, le public eut la chance
    de pouvoir debattre avec les protagonistes; le premier soir, l'auteur
    de la pièce se joignit a l'actrice, Bea Ehlers-Kerbekian, pour un
    dialogue impromptu avec les spectateurs, et le lendemain, une table
    ronde rassembla trois Armeniens, le journaliste Yetvard Danzkiyan,
    d'Agos a Istanbul, l'intellectuel Nazaret Vartanyan, originaire de
    Malatya et actuellement installe a Bruxelles, et moi-meme. Les deux
    invites etrangers presentèrent des rapports circonstancies sur l'etat
    actuel des developpements dans l'affaire Hrant Dink, au plan juridique
    et politique, demandant que toute la lumière fût faite sur ce dossier.

    Ce qui signifie poursuivre les investigations au sein des forces
    politiques en coulisse, celles qui ont programme, etudie et orchestre
    materiellement le crime. Des references furent faites a "l'Etat
    profond," connu sous le nom d'Ergenekon, mais aussi a une possible
    complicite de la part de personnes liees au parti AKP du Premier
    ministre Erdogan.

    Nous sommes la au coeur d'un debat politique brûlant. Or le thème
    debattu par la table ronde, "Identite, culpabilite et reconciliation
    dans la diaspora," est aussi des plus personnel et lourd, au plan
    emotionnel. Lors du debat qui suivit la première representation
    en soiree, trois jeunes Turques, vivant en Allemagne, dressèrent
    immediatement des parallèles avec leur experience personnelle. La
    première, diplômee de l'universite, mariee et qui travaille en
    tant qu'enseignante, souligna que l'enjeu principal de la pièce
    est l'identite. "J'ai grandi ici en Allemagne en tant que Turque,"
    declara-t-elle, "et je devais etre Allemande, mais a un moment
    donne, j'ai realise que je n'etais pas totalement acceptee par les
    Allemands." Elle eut alors tendance a "devenir davantage Turque,"
    dit-elle, "mais ca n'a pas marche non plus." La pièce sur Sabiha traite
    de l'identite, fit-elle observer : qui suis-je vraiment ? Elle en est
    venue finalement a se considerer comme une personne qui "est Turque
    et vit en Allemagne."

    Une de ses amies intervint pour dire qu'elle aussi etait profondement
    emue, et meme secouee par la pièce. Pour la première fois,
    declara-t-elle, elle se trouvait "dans un environnement armenien" -
    meme si le theâtre est gere par un collectif turc et que le public
    se composait essentiellement de Turcs. La presentation du genocide
    a travers l'histoire de Sabiha remettait en question ses points de
    vue anterieurs. Elle se demanda comment mieux aborder la question et
    proposa que l'on puisse susciter de l'empathie, du point de vue des
    spectateurs turcs, si l'on se referait a des massacres victimisant
    les musulmans, par exemple a Srebrenica. (Lequel massacre, releva
    le moderateur, n'est pas comparable au cas armenien, le genocide
    de Srebrenica ayant ete reconnu comme un genocide.) Un autre aspect
    emergea neanmoins, lorsqu'elle signala qu'a peine six mois auparavant,
    elle avait appris de sa grand-mère, âgee de 91 ans, en Turquie,
    que sa mère (a savoir l'arrière-grand-mère de cette intervenante)
    etait Armenienne. A l'instar d'innombrables personnes, qui ont fait
    recemment ce genre de decouvertes, elle veut maintenant effectuer des
    recherches sur l'histoire de sa famille, decouvrir la verite. D'après
    le recit de sa grand-mère, quelques survivants de sa famille emigrèrent
    en Amerique, mais elle ignorait leurs noms ou l'endroit où ils avaient
    debarque. Une autre Turque evoqua cependant le besoin d'empathie et
    posa cette question : le pardon est-il lui aussi possible ?

    Pour Bea Ehlers-Kerbekian, ces reactions sincères, spontanees montrent
    bien que la pièce a envoye un message et a eu l'impact voulu. "Elles
    m'en ont appris davantage sur qui est reellement Sabiha dans la pièce,"
    confiait-elle, "et a quoi ressemble son existence en Allemagne."

    Dogan Akhanli est agreablement surpris d'etre temoin de la franchise
    de ces reactions. Autre intervention passionnee, une femme qui a
    decouvert ses racines armeniennes, il y a quelques annees seulement,
    et qui a ete traumatisee par les problèmes sociaux qu'elle rencontra
    de ce fait : des amis turcs qui ne la consideraient plus comme des
    leurs et des Armeniens qui la rejetaient comme etant Turque. Autant
    d'observations qui enfoncèrent le clou : dans la conjoncture actuelle,
    la Turquie - ses elites politiques comme sa population - traverse
    une crise salutaire et sans precedent, une crise d'identite au plan
    de la nation et de chaque individu.

    Un participant fit observer : "Si ce que la pièce presente est vrai,
    si la republique de Turquie est fondee sur un mensonge, si 'l'identite
    turque' est une fausse ideologie, quelle peut bien etre notre identite
    ?" Ce qui pose la question fondamentale : qu'est-ce que l'identite ?

    Repose-t-elle sur la langue ou l'origine ethnique ? Sur l'ideologie
    "du sang et du sol" ou sur les possessions territoriales ? Sur la
    religion ou l'histoire ? Sur le genre ? Ou quelque chose d'autre ?

    La pièce d'Akhanli constitue une oeuvre d'art magistrale qui, sous
    une forme des plus condensee, place au premier plan la question de
    l'identite. Elle parvient a presenter le genocide armenien comme un
    fait historique, a travers les experiences subjectives d'une multitude
    d'acteurs - les perpetrateurs et leurs descendants negationnistes, les
    victimes parmi les survivants islamises, les descendants qui s'ignorent
    des Armeniens caches, les voisins et les amis mal informes, et les
    individus courageux comme Hrant Dink a l'interieur de la Turquie et
    a l'etranger, qui osent briser les tabous regnant depuis la creation
    de la republique.

    Toutes les questions politiques et psychologiques en rapport sont
    abordees dans la pièce, non comme un dogme, mais dans une demarche
    artistique. Et c'est la que reside son pouvoir secret. En reaction
    a un intervenant qui demandait pourquoi le theâtre doit etre le
    vehicule, Bea Ehlers-Kerbekian expliqua que c'est seulement a travers
    l'art qu'il est possible d'aborder ces questions essentielles, car
    l'art - en l'occurrence, le theâtre - fait appel non seulement a
    l'intelligence, mais aussi aux emotions, au coeur. Dans ce cas, elle
    parla de catharsis. Lors de la seconde representation, la comedienne
    parvint a un tel degre d'intensite intellectuelle et emotionnelle
    que bien rares furent ceux dans le public - hommes ou femmes, Turcs,
    Allemands ou Armeniens - qui purent retenir leurs larmes.

    (Pour une recension plus complète de la pièce, voir Muriel
    Mirak-Weissbach : "German-Turkish-Armenian Project Dramatizes Search
    for Identity," The Armenian Mirror-Spectator, Dec. 22, 2012, p. 14 -
    http://www.mirrorspectator.com/pdf/122212.pdf).

    __________

    Source : http://www.mirrorspectator.com/pdf/020114.pdf Traduction :
    (c) Georges Festa - 02.2014

    site du Gunes Theater (Francfort) : http://www.gunestheater.com/

    Retour a la rubrique

    Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies



    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Working...
X