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Armenians of Turkey (part 2/7B) - In Diarbekir ... (in French)

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  • Armenians of Turkey (part 2/7B) - In Diarbekir ... (in French)

    La Croix , France
    23 août 2005

    Un été dans La Croix.
    Les Arméniens de Turquie (2/7).

    Dossier. A Diyarbakir, la foi des catacombes. Les Kurdes n'ont pas
    oublié leurs anciens voisins. Même s'ils n'en parlent jamais, les
    Kurdes savent que beaucoup de leurs ancêtres ont participé aux
    massacres des Arméniens. DIYARBAKIR, reportage de notre envoyé
    spécial.

    par PLOQUIN Jean-Christophe

    Le massacre des chrétiens a atteint des proportions terrifiantes à
    Diyarbakir en 1915. D'une part, le gouverneur de l'époque, Rechid
    pacha, se fit l'instrument implacable de la politique édictée par le
    gouvernement d'Istamboul. D'autre part, les notables kurdes de la
    ville ont activement soutenu des exactions qui leur permettaient de
    faire main basse sur les biens et les commerces des Arméniens.

    La mémoire de ces événements reste taboue, mais elle affleure
    souvent. Seyhmus Diken, un intellectuel féru d'histoire locale,
    évoque ainsi "une grande injustice". Il attribue les violences au
    fanatisme religieux plus qu'à une pulsion d'épuration ethnique. Il
    souligne que de nombreuses filles et femmes chrétiennes ont été
    sauvées, à tel point que, selon lui, "dans les départements de
    Diyarbakir, Hakkari, Bitlis ou Van, une famille sur trois aujourd'hui
    compte une grand-mère arménienne". "Les chefs de clan qui épargnaient
    ces enfants faisaient d'une pierre deux coups, explique-t-il. Ils
    sauvaient une vie et ils gagnaient une musulmane." La conversion à
    l'islam était en effet la condition sine qua non de la survie.
    "Jusqu'à leur mort, elles n'oublient jamais, affirme Seyhmus Diken.
    Elles se souviennent de ces jours, mais elles n'en parlent jamais.
    Elles ne veulent pas influencer les jeunes générations."

    Nouri Sinir, une figure respectée de la cause kurde à Diyarbakir, se
    souvient ainsi d'une de ses grands-mères. "Elle était arménienne mais
    elle ne voulait pas en parler. C'était une énorme souffrance pour
    elle. Elle préférait fuir dans le silence." Selon le récit transmis
    au sein de la famille, sa grand-mère avait 12 ans en 1915. Lorsque la
    colonne des déportés dont elle faisait partie est arrivée à proximité
    du village de Sultanseyhmus, fief du clan des Sinir, trois jeunes
    filles ont été choisies pour être converties et sauvées. "Ma
    grand-mère ne voulait pas, raconte Nouri Sinir d'une voix sourde.
    Mais sa mère l'a suppliée d'accepter. Sur les trois, une fille a
    refusé d'être convertie. Elle a été lapidée par les fanatiques du
    village. Ma grand-mère n'a plus jamais revu sa mère, sa soeur et ses
    frères qui étaient dans le convoi. Ils furent tous tués."

    À Diyarbakir, sa grand-mère n'a jamais caché son origine, et elle
    parlait arménien avec ceux de ses voisins qui pratiquaient cette
    langue. Mais elle restait silencieuse sur les horreurs qu'elle avait
    connues enfant. "Elle m'a légué un regard différent sur les autres,
    témoigne Nouri Sinir, qui exerce aujourd'hui une grande autorité à
    l'intérieur de son clan. À cause d'elle, de son histoire, j'ai vu
    avec d'autres yeux les autres religions, les autres peuples. Mes
    meilleurs amis étaient des chrétiens, des yezidis (1). Mais mes
    copains d'école chrétiens sont tous partis, à Alep ou à Istamboul."

    Il y a encore quarante ans, le folklore local véhiculait l'image
    d'une société multiconfessionnelle. "Beaucoup de chansons et
    d'épopées brodaient sur le thème d'un amour interconfessionnel
    contrarié, raconte un habitant. Et, à l'Épiphanie, il était fréquent
    dans les familles musulmanes de faire la galette. Pour chasser les
    mauvais esprits, on traçait dessus une croix avec de la suie."

    Les Kurdes et les Arméniens comptent, de fait, parmi les peuples les
    plus anciens d'Anatolie et ont vécu côte à côte, les uns musulmans,
    les autres chrétiens, pendant plus de deux mille ans, en fonction des
    fortunes de l'Histoire. Depuis quelques années, souvent à
    l'instigation de leur propre diaspora, certains milieux kurdes
    s'ouvrent à ce passé et font preuve d'une compréhension nouvelle à
    l'égard des Arméniens. "S'ils veulent parler de génocide, ils sont
    dans leur droit, affirme ainsi Nouri Sinir. Sur la question de la
    reconnaissance, je suis du côté des Arméniens."

    J.-C. P.

    (1) Adeptes d'une religion syncrétique d'Anatolie.
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