Announcement

Collapse
No announcement yet.

Le Syndrome Arménien de la Turquie

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Le Syndrome Arménien de la Turquie

    Al Monitor
    Le Syndrome Arménien de la Turquie


    Fehim Tastekin, Al Monitor

    22 Avril 2014

    Le 20 avril, un couple recueilli allume des cierges dans une église Ã
    Derik, une ville proche de l'ancienne ville turque de Mardin, devenue
    un symbole de paix religieuse. Ils se trouvaient là tout seuls,
    l'église Sourp Kévork n'ayant ni évêque ni paroissiens à part
    eux-mêmes. Des voisins musulmans, cependant, ont rendu visite aux
    Demircis - Yursalin, 58 ans, et Naif, 66 ans - pour leur souhaiter de
    joyeuses Pques, et ils ont été accueillis avec des ptisseries et
    d'autres sucreries par leurs hôtes.

    Résumé : La Turquie veut se réconcilier avec les Arméniens sans faire
    aucun pas pour les apaiser, faisant du 99ème anniversaire de 1915
    celui des 'atrocités arméniennes '- montrant ainsi que sa politique de
    négation va même se renforçant avant le centenaire des massacres.

    Le même jour, dans le village de Gedikli dans la province d'Igdir, la
    Maison de l'Association d'Igdir Azerbaïdjan et l'Association des
    Vétérans de l'Opération de Paix à Chypre commémoraient les villageois
    tués par des Arméniens en 1919 sur le lieu où une fosse commune de 96
    personnes était mise au jour en 2003. Prenant la parole au cours de
    cette cérémonie, le gouverneur d'Igdir Davut Haner a déclaré, `Nous
    avons beaucoup lutté pour survivre en tant qu'état sur ces terres.
    Nous avons beaucoup sacrifié. Le peuple turc, cependant, ne nourrit
    pas la haine `. Le dirigeant de l'association de vétérans Ismet Tagal
    a déclaré, ` les gangs arméniens ont sauvagement assassiné nos
    grands-pères et nos grands-mères et ils les ont enterrés ici. Le
    peuple de Gedikli n'oubliera jamais les atrocités des Arméniens `.

    Ã Istanbul, entre temps, une série d'événements se sont déroulés le 21
    avril pour rappeler le génocide arménien, soutenus par les European
    Grasroots Antiracist Movement [Mouvement de Base Antiraciste Européen]
    et des personnages de premier plan tels le chanteur français-arménien
    Charles Aznavour, l'ancien ministre des affaires étrangères Bernard
    Kouchner, le philosophe français Bernard-Henri Lévy et l'universitaire
    turc Ahmet Insel.

    Les trois événements simultanés cités sont une figuration du `
    Syndrome arménien ` de la Turquie. Le couple d'Arméniens de la
    première histoire représente le legs de la tragédie historique et une
    preuve quantifiée de ce qui s'est passé. L'empathie suscitée par le
    couple montre que la confrontation avec l'histoire est possible là où
    une cohabitation existe. La deuxième histoire est le reflet du
    sentiment populaire qui correspond au discours de l'état sur les `
    atrocités arméniennes `. Elle symbolise la facilité avec laquelle la
    politique officielle de négation des événements de 1915 est acceptée
    au sein d'une large base sociale. La troisième est toute nouvelle pour
    la Turquie. Elle représente un fort désir de faire face à sa propre
    histoire, une tendance qui manque pour l'instant de soutien populaire.

    Ila fallu beaucoup de temps à un groupe d'intellectuels turcs et de
    personnalités politiques pour prononcer les mots ` Génocide arménien `
    dans un pays où le chapitre 1915 de l'histoire porte le label `
    Atrocités arméniennes `. Un livre récemment publié - 1965 : 50 ans
    avant 2015, 50 ans après 2015, par Aris Nalci et Serdar Korucu - rend
    compte de façon surprenante de l'attitude de la Turquie sur le `
    génocide ` Ã travers les années.

    Selon ce livre, la première accusation sérieuse au plan international
    contre la Turquie a été portée lors du 50ème anniversaire des
    événements de 1915. Une manifestation organisée à Beyrouth retint
    l'attention des media pendant des semaines. Pour contrecarrer la
    campagne mondiale arménienne, la presse turque publiait des articles
    sur les ` Atrocités arméniennes ` et sur la loyauté des Arméniens
    encore présents, prétendant que ces personnes étaient des ` Turcs
    chrétiens `, et que les manifestations de commémoration étaient
    l'Å`uvre d'un groupe arménien poussé par des Chypriotes grecs afin de
    réactiver le Traité de Sèvres, que les Turcs arméniens étaient en
    échange des partisans de la cause chypriote et que les Arméniens de la
    diaspora ne haïssaient pas les Turcs.

    Entre temps, des envois d'un numéro du journal Le Monde qui dans
    lequel figurait une histoire du ` génocide ` furent confisqués avant
    leur entrée en Turquie.

    Le premier traumatisme de 1965 a eu lieu depuis maintenant des
    décennies. Depuis lors et jusqu'Ã présent, l'histoire des déportations
    rendues nécessaires par les ` atrocités arméniennes ` ne fit mention
    du mot ` massacre ` qu'associé avec l'expression `soi-disant `.
    Aujourd'hui, en termes sociaux et politiques, employer le mot `
    génocide ` équivaut à une trahison. C'est ainsi qu'organiser une
    manifestation à Taksim Square comporte des risques.

    La campagne du gouvernement du parti AKP, Justice et Développement, en
    vue de normaliser les relations avec l'Arménie a fait naître l'espoir
    qu'apaiser certaines peurs est possible. Mais il est vite apparu que
    ce qu'Ankara entendait par faire face à son histoire n'avait rien Ã
    voir avec la reconnaissance du génocide, une reconnaissance attendue
    par les Arméniens. Au lieu de cela, le gouvernement turc envisage un
    processus de réconciliation dans lequel la thèse turque aurait aussi
    voix au chapitre, les faits étant abandonnés à l'histoire sans que la
    question de la responsabilité ne soit posée.

    à un an du centenaire de 1915, Ankara s'en tient donc à sa politique
    de négation. C'est-Ã-dire qu'Ankara poursuit d'un côté son objectif de
    rapprochement avec les Arméniens, tout en menant de l'autre une guerre
    de propagande contre la thèse qui lui est opposée. Cette approche
    trouve une confirmation dans la décision récente du gouvernement AKP
    de rétropédaler sur la solution pacifique des problèmes chroniques qui
    cernent la Turquie, et de rebrousser chemin pour satisfaire ses
    racines conservatrices-nationalistes. Mais cette approche n'en a pas
    plus de chances de réussir pour autant.

    Le gouvernement a donné quelques indications sur ses intentions en
    novembre passé au cours du débat parlementaire sur le budget 2014 de
    l'Historical Turkish Society (TTK, Société Turque d'Histoire). Un
    budget de 8,2 millions de livres (3,8 millions de dollars) a été
    alloué au TTK, qui prévoyait 14 réunions pour rejeter les accusations
    de génocide. L'une de ces réunions est prévue les 24-25 avril à Van,
    non loin de la frontière arménienne. La manifestation est présentée
    comme un symposium ` scientifique ` par le président du TTK Metin
    Hulagu, qui soutient que les déportations d'Arméniens étaient devenues
    nécessaires parce qu'ils avaient incendié Van et commencé une révolte.

    ` Il n'y a pas eu de Génocide arménien, parce que décider une telle
    sanction n'est pas dans notre culture `, a dit Hulagu à Al-Monitor,
    ajoutant qu'une série de groupes de discussion titrée ` les Historiens
    discutent 1915 ` serait tenue cette année à Sakarya, Erzéroum, Ankara
    et Karabuk.

    Entre temps, le Ministre des affaires étrangères s'est distingué par
    des décisions qui semblent révéler une intense activité diplomatique,
    dont la nomination d'Hakki Akil comme ambassadeur turc en France, qui
    accueille une importante diaspora arméniennes. Akil est connu pour
    être en termes particulièrement bons avec la communauté arménienne de
    Marseille. Dans un récent entretien à Hurriyet, Akil a révélé que
    l'épouse se son arrière-arrière grand père était arménienne, tout en
    soutenant que la question du génocide est du ressort des tribunaux
    internationaux plutôt que de celui des Parlements, et appelant de ses
    vÅ`ux la fin des politiques de discours de haine qui entretiennent
    l'inimitié entre les Turcs et les Arméniens.

    ` Voir les discours de haine dresser l'uns contre l'autre deux peuples
    qui ont vécu côte à côte et qui écoutent encore la même musique, qui
    mangent les mêmes plats, qui rient aux mêmes blagues et se ressemblent
    tellement me brise le cÅ`ur ` a-t-il dit. ` J'ai grandi en Anatolie,
    j'ai vu à quel point Arméniens et Turcs sont proches `.

    Mais en nommant un diplomate intelligent à Paris, le Ministre turc des
    affaires étrangères laisse vacant le poste d'ambassadeur à Washington,
    au moment même où une résolution est inscrite à l'agenda du Congrès.
    Le nouvel ambassadeur, Serdar Kilic, a pris à la hte la route de
    Washington, au lendemain de l'adoption par la Commission des Affaires
    étrangères du Sénat de la résolution le 3 avril. La mission du
    précédent envoyé, Namik Tan, s'était terminée le 31 mars.

    ` On a demandé Ã notre ambassadeur lÃ-bas de partir en avril. Quelle
    sorte de ministre des affaires étrangères est le nôtre ? Pour faire un
    tel changement dans le mois le plus critique de l'année il faut être
    malintentionné ou avoir une mauvaise préparation `, a dit Faruk
    Logoglu, vice président du principal parti d'opposition, Le Parti
    Républicain du Peuple et ancien ambassadeur à Washington.

    Selon le Ministre des affaires étrangères, les causes du retard de la
    nomination de Kilic à Washington ne sont que logistiques. On doit
    encore se rappeler que Tan avait été rappelé en Turquie en mars 2010,
    en signe de protestation contre le vote d'approbation par la
    Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants
    d'une résolution sur le génocide.

    Ã en juger par les mesures prévues par le gouvernement pour contrer
    les manifestations relatives à 1915, il semble que la confrontation de
    la Turquie avec son passé est encore loin.

    Traduction Gilbert Béguian pour Armenews.com

    mercredi 30 avril 2014,
    Jean Eckian ©armenews.com

Working...
X