Announcement

Collapse
No announcement yet.

Discours de François Hollande, Président de la République, le 24 avr

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • Discours de François Hollande, Président de la République, le 24 avr

    COMMEMORATION DU GÉNOCIDE
    Discours de François Hollande, Président de la République, le 24 avril 2014


    Madame la Maire de Paris,

    Mesdames et messieurs les élus parlementaires,

    Messieurs et Mesdames, qui depuis longtemps soutenez à travers vos
    organisations, la cause qui vous est chère.

    Je suis venu ici, le 24 avril, comme Président de la République, parce
    que je voulais être présent pour cette commémoration, celle du 99ème
    anniversaire du génocide arménien.

    Je le fais ici, avec vous, devant vous, Arméniens vivant en France,
    Français d'origine arménienne, avec vous qui portez ce drame dans
    votre vie, dans votre existence comme une blessure toujours ouverte.

    Je le fais ici, jardin d'Erevan, devant la statue de Komitas qui est
    mort à Paris mais dont la vie fut à jamais brisée en 1915.

    Le 24 avril, Komitas fut arrêté avec 650 intellectuels arméniens,
    arrêtés dans leur pays, arrêtés parce qu'ils étaient Arméniens.

    C'était le début du processus d'élimination.

    Les élites de la communauté arménienne furent systématiquement
    détruites. Les villages de l'Anatolie vidés de leurs habitants. Les
    hommes, pour la plupart fusillés. Les femmes et les enfants, déportés
    Ã travers le désert, épuisés par une marche sans fin, humiliés par les
    brimades. La plupart n'arrivèrent jamais à destination. Mais d'autres,
    d'autres, dont vous êtes les descendants, sont venus ici en France,
    ont été accueillis par la France et sont devenus Français, sans jamais
    rien oublier de leurs origines, de leur parcours et de la mémoire qui
    les lie à ceux qui sont morts dans le génocide.

    Un million et demi de morts. Des centaines de milliers d'Arméniens
    chassés de Turquie.

    Cette tragédie porte un nom, un seul nom : c'est le génocide. Il n'y
    en a pas d'autre.

    C'est la raison pour laquelle, la République française l'a
    officiellement reconnu, par la loi du 29 janvier 2001, une loi Ã
    laquelle, Ã l'époque député, j'ai pris part. Une loi qui fut adoptée
    par l'ensemble des familles politiques de la République, parce que la
    France, même quand elle se divise sur d'autres sujets, se retrouve
    toujours dès que les principes fondamentaux sont en jeu.

    La loi de 2001 porte un article unique - parfois les lois les plus
    coutres sont celles qui signifient le plus ce que nous voulons dire Ã
    la Nation : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de
    1915 ». Telle est la loi de 2001.

    Avant même cette loi, le génocide arménien était dans la mémoire de la
    France. D'abord, parce qu'il était inscrit dans l'histoire familiale
    des 500 000 Français d'origine arménienne qui, je le rappelle, est la
    troisième communauté arménienne au monde, hors bien sûr de l'Arménie.
    Mais cette cause, ce combat était porté par tous ceux, toutes celles
    qui voulaient en faire un exemple, un exemple pour les autres peuples,
    un exemple pour la liberté.

    C'est pourquoi, il y avait déjà de grandes voix qui s'étaient élevées
    dès les premiers massacres. Je pense à celle de JAURES, qui avait
    écrit, ou plus exactement, avait prononcé Ã la tribune de l'Assemblée
    nationale, cette phrase, qui vaut pour le génocide arménien, comme
    pour d'autres crimes contre l'humanité : « L'humanité ne peut dormir
    avec dans sa cave le cadavre d'un peuple assassiné ». C'est pourquoi
    la France, obstinément, a lutté pour la reconnaissance du génocide
    arménien. Chaque fois qu'il y a crime contre l'humanité, la France,
    oui toute la France, se bat pour la vérité et pour la justice.

    Mesdames et Messieurs,

    La commémoration d'aujourd'hui est une répétition. Parce que nous
    préparons ensemble la commémoration du centenaire du génocide en 2015.
    Et je vous l'annonce ici, la France sera à vos côtés, comme elle l'a
    toujours été.

    Comme Président de la République française, on me demandait où je
    serai en 2015, le 24 avril. Je ne serai pas là parmi vous, je serai Ã
    Erevan pour le centenaire.

    Pourquoi cette présence ? Non pas pour faire la leçon. Non pas pour
    être le seul ou le premier. Je serai à cette cérémonie parce que nous
    devons continuer jusqu'au bout. Le devoir de mémoire et donc, la
    reconnaissance par le monde entier du génocide arménien.

    La communauté des historiens, et je veux la saluer, a fait son travail
    et continue de le faire. Nous la soutiendrons, en particulier Ã
    travers le Conseil international pour l'étude du génocide des
    Arméniens dont j'ai accepté de présider le comité d'honneur.

    Cette bataille de la reconnaissance est menée. Elle est menée avec
    respect pour le souvenir des victimes. Elle est menée avec respect
    pour les vivants qui ne sont pas responsables de ce qui s'est produit
    il y a près d'un siècle.

    Mais, cette bataille, elle sera menée jusqu'au bout, sans le moindre
    renoncement, sans la moindre hésitation, sans le moindre compromis.

    La France soutiendra toutes les initiatives qui seront prises au
    niveau européen pour lancer un programme de sensibilisation, de
    pédagogie et donc d'information, sur le génocide arménien.

    La France prendra tous les messages, d'où qu'ils viennent, qui
    appellent à la compréhension, à la compassion, à la tolérance, et à la
    reconnaissance des souffrances vécues par le peuple arménien.

    Je m'étais engagé comme candidat à l'élection présidentielle Ã
    promouvoir la création d'un Centre de mémoire et de civilisation
    arménien. Je sais que la Mairie de Paris y travaille. L'Etat y prendra
    toute sa part. Et je veux que tout soit mis en Å`uvre pour que cette
    institution puisse être inaugurée l'année prochaine, c'est-Ã-dire pour
    le centenaire

    Pourquoi un Centre de mémoire ? Pour informer, pour diffuser, pour
    faire comprendre le génocide dont les Arméniens ont été les victimes,
    mais pour faire comprendre aussi que ce combat-là s'inscrit dans celui
    de la reconnaissance de tous les drames, de tous les massacres qui
    frappent les peuples encore aujourd'hui.

    Le travail de mémoire exige de repousser la falsification et la
    manipulation car le négationnisme n'est pas une opinion, il n'est pas
    une théorie, il n'est pas une conception. Le négationnisme est un
    outrage à la vérité, une insulte faite aux victimes et à leurs
    descendants.

    C'est pourquoi le travail sur le plan du droit doit être poursuivi,
    pour que nul ne puisse impunément nier les souffrances du peuple
    arménien.

    Chacun, ici, connait les difficultés et les obstacles. Chacun, ici, se
    souvient de la censure par le Conseil constitutionnel de la
    proposition de loi qui avait été adoptée en 2006 par le Parlement.
    J'ai donné instruction au gouvernement de préparer un nouveau texte,
    mais à une condition, c'est qu'il soit incontestable. C'est l'intérêt
    de tous. Car je ne veux pas essuyer un nouveau refus qui serait
    utilisé alors par les propagandistes de la négation Je demande donc
    que tout soit fait avec sérieux, méticulosité et volonté d'aboutir. Un
    fait nouveau s'est produit - il ne va pas dans le bon sens, puisqu'Ã
    la fin de l'année dernière, la Cour européenne des droits de l'Homme a
    invalidé une décision de la justice suisse dans une affaire portée par
    un requérant qui avait nié la réalité du génocide arménien.

    La question que nous nous posons, ici, en France, est donc portée au
    niveau européen. La Suisse a demandé le renvoi de cette affaire devant
    ce qu'on appelle la grande chambre de la Cour européenne des droits de
    l'Homme. J'ai demandé au gouvernement français d'intervenir aux côtés
    de la Suisse pour donner plus de force à la démarche et plus de
    chances au processus juridique, ici, en France.

    Le 12 mai prochain, je n'ai pas de secret pour vous, cela a été
    révélé, j'effectuerai une visite d'Etat à Erevan, à l'invitation du
    Président Serge Sarkissian. Je réaffirmerai la volonté de la France de
    construire avec l'Arménie un partenariat particulièrement dynamique.
    Nous devons multiplier les échanges parce que nous devons soutenir
    toutes les initiatives sur le plan politique, sur le plan
    diplomatique, sur le plan culturel pour unir davantage nos deux pays.
    L'Arménie est dans une situation difficile, mais l'Arménie doit aussi
    s'ouvrir, être capable de porter également un message de développement
    et de paix.

    Mon dernier mot sera pour les Arméniens qui souffrent encore de
    persécutions parce qu'ils sont Arméniens. Je pense aux Arméniens de
    Syrie qui connaissent un véritable traumatisme depuis, hélas, le début
    de cette guerre civile. La France ne choisit pas parmi les victimes,
    ne regarde pas davantage cela plutôt que ceci. Non, la France est
    particulièrement sensible à ce qui se produit en Syrie parce que les
    Arméniens, les chrétiens, les sunnites et les alaouites font partie de
    l'Histoire de la Syrie. Mais, je pense que chaque fois qu'une
    communauté est attaquée parce qu'elle est une communauté dans un pays
    qui a jusqu'Ã présent fait vivre toutes ses identités ensemble, la
    France doit être aux côtés de ceux qui sont victimes.

    C'est pourquoi nous devons travailler sans relche pour ne pas fermer
    les yeux sur ce qui se produit en Syrie. Encore aujourd'hui, nous ne
    savons pas si des armes chimiques ont été encore utilisées. Encore
    aujourd'hui, il se produit des massacres et des épurations. Aucun
    crime de masse ne sera impuni, en Syrie, comme ailleurs.

    Mesdames et Messieurs,

    Je vais conclure, d'abord pour vous remercier au nom de la France.

    La France sait ce qu'elle doit aux Arméniens. A ceux de la Résistance,
    à Missak MANOUCHIAN et à ses camarades, dont j'ai une nouvelle fois
    salué la mémoire au Mont Valérien.

    La France sait ce qu'elle doit aux Arméniens devenus Français qui ont
    reconstruit notre pays au lendemain de la guerre par leur travail, par
    leur talent.

    La France sait ce qu'elle doit aux compatriotes d'origine arménienne,
    entrepreneurs, ouvriers, artistes, savants, tous ceux qui font
    rayonner la France mais sans rien oublier de leurs origines
    arméniennes. C'est le bel exemple, être pleinement Français, sans
    jamais rien oublier du parcours qui vous a conduit à le devenir.

    En évoquant le souvenir des victimes du génocide arménien, la
    République française rend hommage bien sûr à ceux qui sont morts, mais
    elle salue aussi la responsabilité des vivants. C'est-Ã-dire
    nous-mêmes, c'est-Ã-dire vous-mêmes, car ce sont les vivants qui
    maintenant doivent mener la lutte : la lutte pour la liberté, pour la
    vérité, pour la justice, contre la haine, contre la violence, contre
    l'intolérance.

    Cette cérémonie n'est pas une cérémonie qui accuse, elle n'est pas une
    cérémonie qui exclut, elle est une cérémonie qui rassemble. Il n'y a
    pas deux côtés, ceux qui sont ici, et ceux qui sont lÃ. Il n'y a qu'un
    combat, qu'une lutte, qu'un idéal qui est celui de la reconnaissance
    du génocide arménien.

    Alors, je le souhaite de tout mon cÅ`ur que tous les esprits évoluent
    parce que ce souvenir du génocide arménien c'est défendre un idéal,
    c'est défendre la paix, c'est défendre la justice et cette cause elle
    vaut pour l'Arménie d'aujourd'hui, d'hier, elle vaut aussi pour le
    monde tout entier.

    Vive la République et vive la France. »

    mercredi 30 avril 2014,
    Ara ©armenews.com

Working...
X