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La Turquie travaillée par le génocide arménien

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    La Tribune de Geneve, Suisse
    25 avril 2014 vendredi

    La Turquie travaillée par le génocide arménien

    Allemand; Pignat


    Si la question n'est plus taboue au sein de la société civile, le
    pouvoir tente un «négationnisme poli»

    C'était encore impensable il y a quelques années. Hier matin à
    Istanbul, des Arméniens ont manifesté devant la gare de Haydarpacha,
    d'où a été lancée la déportation de centaines de notables ordonnée le
    24 avril 1915 par le gouvernement ottoman des Jeunes- Turcs.
    Brandissant des portraits de leurs aïeux exécutés, ils étaient réunis
    derrière une banderole sur laquelle on pouvait lire: «Nous commémorons
    les victimes du génocide: certaines plaies ne guérissent pas avec le
    temps. » Dans la soirée devait se tenir un autre rassemblement sur la
    célèbre place Taksim, au coeur de la mégapole. Comme dans d'autres
    villes du pays

    Plus étonnant encore dans cette Turquie qui nie catégoriquement tout
    génocide contre les Arméniens: le premier ministre, Recep Tayyip
    Erdogan, a surpris tout le monde mercredi en présentant des
    «condoléances» aux descendants de victimes d'événements «qui ont eu
    des conséquences inhumaines». Une «tragédie inhumaine» déjà déplorée
    il y a quelques mois par Ahmet Davutoglu, le chef de la diplomatie
    turque, lors de sa visite à Erevan, capitale de l'Arménie. Autant de
    déclarations qui surviennent dans un contexte de détente: les archives
    ouvertes aux historiens, les débats sur les plateaux de télévision et
    dans les milieux académiques

    Manoeuvres cyniques

    Sévane Garibian, elle, semble tout sauf euphorique. D'origine
    arménienne, cette docteure en droit est enseignante-chercheuse aux
    Universités de Genève et de Neuchtel. Elle travaille sur les crimes
    de masse. «En Turquie, il faut distinguer l'évolution des mentalités
    au sein de la société civile et celle du discours politique. D'un
    côté, l'assassinat en 2007 de Hrant Dink(ndlr: journaliste et écrivain
    turc d'origine arménienne)a eu l'effet d'un électrochoc, déclenchant
    un mouvement minoritaire mais significatif de contestation et de débat
    parmi les jeunes et certains universitaires ou intellectuels. Mais de
    l'autre côté, le négationnisme d'Etat se poursuit, même si Erdogan
    excelle à le rendre plus présentable donc plus dangereux. »

    «Le premier ministre ne prononce jamais le mot de génocide, présente
    les Arméniens comme des victimes parmi d'autres durant la Première
    Guerre mondiale et entretient l'idée qu'il y a un doute sur la réalité
    des événements, proposant de créer une commission d'historiens, comme
    si les faits n'avaient pas été établis depuis des années. Il s'agit là
    d'une rhétorique négationniste bien connue. En formulant des
    «condoléances», il tente de redorer son image internationale après des
    mois de scandales et cherche à désamorcer les pressions avant le
    centenaire du génocide, l'an prochain. »

    «M. Erdogan est aussi dans l'attente d'une décision de la Cour
    européenne des droits de l'homme, appelée par la Suisse à réexaminer
    l'affaire Perinçek, dans laquelle la justice helvétique a été
    désavouée pour avoir condamné cet homme politique turc pour
    négationnisme. » Bref, le pouvoir islamo-conservateur n'aurait opéré
    qu'une manoeuvre d'évitement, sans rien changer à sa politique.

    Mutations en cours

    Didier Billion, lui, y voit au contraire un premier pas. Pour ce
    spécialiste de la Turquie au sein de l'Institut de relations
    internationales et stratégiques à Paris, un processus est bel et bien
    en cours, même s'il est compliqué et très lent, note-t-il dans une
    interview à BFMTV. Nombreux sont les Turcs qui se découvrent soudain
    des aïeux arméniens, au fur et à mesure que les langues se délient.
    Pour l'instant, Ankara reconnaît que 300 000 Arméniens ont pu mourir
    de faim, de maladie, d'épuisement ou être exécutés durant les
    déportations mais refuse d'y voir une volonté génocidaire, de même que
    le bilan terrifiant avancé par les Arméniens: 1,5 million de morts.

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