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    CourrierInternational.com
    Jeudi 24 Avril 2014

    1915 : des condoléances sincères ?

    Pierre Vanrie, Courrier international (Paris)


    ENCART: Pour la première fois, le Premier ministre turc s'est exprimé
    ouvertement à propos du massacre des Arméniens en 1915, en présentant
    ses condoléances aux familles des victimes. La presse turque
    s'interroge sur cette prise de position inédite.


    Le message de condoléances du Premier ministre turc Erdogan a suscité
    de nombreuses réactions dans la presse turque. Dans le quotidien
    progouvernemental Sabah, l'éditorialiste Rasim Ozan Kütahyali estime
    que, "avec ce communiqué du Premier ministre, la République de Turquie
    a encore brisé un tabou". "En effet, poursuit l'éditorialiste, le
    tabou arménien, le dernier tabou dans ce pays, va maintenant
    s'effondrer, et on pourra désormais discuter de tout librement. La
    Turquie montre ainsi qu'elle est sur la bonne voie pour devenir un
    grand pays. Nous devons donc, en tant que nation, présenter nos
    condoléances à nos frères arméniens qui ont été massacrés en 1915 par
    les fascistes-unionistes [allusion au parti jeune-turc Union et
    Progrès au pouvoir au moment du génocide de 1915]. Erdogan vient ainsi
    de prouver à nouveau au monde entier qu'il était un grand leader
    capable de surprendre et d'agir là où on ne l'attend pas." Panser les
    plaies plutôt que créer des tensions

    L'intellectuel Baskin Oran - l'un des quatre initiateurs de la
    pétition de 2008 qui demandait alors pardon aux Arméniens -, interrogé
    par le site T24, est moins lyrique à ce sujet. Il estime que "c'est
    effectivement une bonne chose qu'un Premier ministre qui ne cesse de
    créer des tensions au sein de la société tienne un discours de nature
    à panser les plaies sur un sujet aussi douloureux". Toutefois,
    poursuit Baskin Oran, "le communiqué du Premier ministre ne traduit
    pas une prise de distance vis-à-vis du discours officiel sur ce sujet.
    Il dit en effet que les Arméniens sont morts dans les mêmes conditions
    que les citoyens ottomans, ce qui est faux. Il dit aussi qu'une
    commission mixte d'historiens a été mise sur pied avec l'Arménie,
    alors qu'elle ne fonctionne pas et qu'elle est basée sur l'idée
    saugrenue que la responsabilité des massacres de 1915 incomberait de
    façon égale aux Arméniens et aux Turcs. Enfin, il dit que les archives
    sont accessibles. Or ce n'est pas le cas pour les plus sensibles, qui
    se trouvent auprès de l'état-major de l'armée". Baskin Oran estime
    donc que "ces condoléances sont une bonne initiative, mais que c'est
    insuffisant". Absence d'humanisme Rusen Cakir, dans Vatan,
    s'interroge, quant à lui, sur la sincérité de ces condoléances
    officielles. "Certes, le message d'Erdogan traduit un changement
    indéniable dans la politique de l'Etat turc sur la question
    arménienne", écrit-il. "Néanmoins, on ne peut s'empêcher de se
    demander s'il ne s'agit pas là d'une manoeuvre du gouvernement visant
    à contrer les pressions qui s'annoncent sur la Turquie à un an du
    centenaire de 1915." L'éditorialiste met en doute "le caractère
    humaniste de cette démarche" et rappelle que le débat fait rage sur
    les réseaux sociaux à ce sujet. De nombreux internautes se demandent
    en effet si celui qui, lors d'un meeting électoral en 2011, éprouvait
    quasiment de la honte d'avoir été accusé par certains adversaires
    nationalistes d'être d'origine juive, arménienne ou grecque pourra
    rester fidèle à ce message de condoléances. "Ce même Erdogan qui n'a
    pas présenté ses condoléances aux victimes des manifestations de Gezi
    et qui, dans un meeting électoral en 2014, a même fait huer par la
    foule la mère du petit Berkin Elvan, tué au moment de Gezi [alors
    qu'il allait acheter du pain], en essayant de faire croire qu'il
    s'agissait d'un terroriste", ajoute Cakir. "Tous ces bémols sont
    parfaitement justifiés, conclut le journaliste. En effet, il est tout
    à fait légitime d'attendre d'un Premier ministre qui a effectué un
    geste positif en vue d'une reconnaissance de la réalité d'un drame
    humain datant d'un siècle qu'il fasse preuve de la même sensibilité
    vis-à-vis de drames plus récents."

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