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Charles Aznavour: "Je ne connais pas l'ennui"

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  • Charles Aznavour: "Je ne connais pas l'ennui"

    Le Figaro, France
    08 octobre 2005

    Charles Aznavour : «Je ne connais pas l'ennui»

    Propos recueillis par Jean-Luc Wachthausen



    CHANSON Il sort un nouvel album, Insolitement vôtre, dix-neuf
    chansons écrites pour sa comédie musicale Lautrec descendue par la
    presse anglaise en 2000, mais qu'il compte bien remonter au Canada,
    l'an prochain. En attendant Paris.

    TEXTE-ARTICLE:


    LE FIGARO. Pourquoi avez-vous intitulé cet album Insolitement vôtre ?
    Charles AZNAVOUR. Parce que c'est le genre d'album insolite que je
    n'ai jamais fait. Je n'ai jamais été un joyeux luron dans mes
    disques. C'était le contraire même. Et pourtant, vous aimez la vie et
    vous le proclamez en chantant dès l'ouverture «Vive la vie». Oh oui !
    Et croyez-moi, à l'ge que j'ai, vu l'alternative, je l'aime deux
    fois plus. Au départ, ces chansons avaient été écrites pour la
    scène... En effet, elles étaient conçues pour ma comédie musicale sur
    Toulouse-Lautrec présentée il y a cinq ans au Shaftesbury Theater de
    Londres. Mais je publie aussi cet album parce que les chansons
    peuvent être parfaitement interprétées en dehors de la scène. Le
    spectacle s'est fait descendre, non ? Ça a merveilleusement marché un
    peu partout, à Plymouth, en Hongrie ou en Allemagne, sauf à Londres.
    On s'est fait descendre, même si dans la salle, c'était un triomphe
    tous les soirs. La faute à la critique qui n'a pas aimé ? Je ne
    dirais pas qu'elle n'a pas aimé, elle a démoli ! Ce n'est pas pareil.
    Mais elle a également démoli Notre-Dame de Paris ; elle a démoli la
    pièce jouée par Alain Delon, Variations énigmatiques ; elle a démoli
    un Napoléon qui venait du Canada. Ils ont démoli cette année-là tout
    ce qu'il y avait de français. Du coup, Lautrec est resté peu de temps
    à l'affiche... Un mois et demi.

    Pourquoi ne l'avez-vous pas joué à Paris ? Mes producteurs n'avaient
    pas envie. Ils étaient américains et m'ont dit : «Ça n'a pas marché.
    On s'en va et on fait autre chose.» A ses débuts à Londres, Les
    Misérables avaient aussi été démolis, mais le producteur Cameron
    MacIntoch avait les moyens de continuer. Vous comptez bien tout de
    même le présenter un jour ? Oui, si mes producteurs québécois le
    souhaitent. Pour le moment, nous commençons bientôt une tournée au
    Canada. Le coup d'envoi sera donné l'an prochain à la Place des Arts
    de Montréal. Ave cet album, vous en profitez pour accueillir pas mal
    d'invités. Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette formule ?
    L'échange, la complicité. J'ai choisi Isabelle Boulay qui a une voix
    sublime, Hélène Segara et Serge Lama. Les duos ont été réalisés comme
    ça, spontanément. Il y a aussi ma fille Katia Aznavour, Annie Cordy
    et Lio. Pourquoi cette dernière ? Je ne la connais pas, mais il
    s'agit d'une fille qui, je crois, a un potentiel inconnu, inexploité
    et qui ne peut pas toujours chanter Des brunes et des prunes.
    Pourquoi mettre Lautrec en musique ? Le personnage et l'époque
    m'inspiraient. A l'origine, les producteurs sont venus me voir en me
    disant : «Nous voulons monter Moulin-Rouge, et nous avons pensé à
    vous.» Je ne voulais pas. Les pourparlers ont duré un an et demi. Je
    leur ai proposé de faire Lautrec. Et pour les convaincre, je leur ai
    dit que Lautrec, c'était Piaf et Chaplin réunis. Et à partir de là,
    vous avez composé paroles et musiques. Les paroles d'abord, toujours.
    Surtout dans un sujet comme celui-là. Le texte est plus important que
    la musique. Toutefois, l'avantage qu'il y a dans ce genre de musique,
    c'est qu'il faut trouver des mélodies et des thèmes. C'est tout. Il
    ne faut pas inventer autre chose. C'est-à-dire qu'il faut revenir aux
    maîtres du genre et d'abord, bien sûr, à Offenbach... Quand avez-vous
    commencé à travailler sur ce spectacle ? En 1997. J'ai mis quatre ans
    à le concevoir. J'ai beaucoup écrit, puis j'ai corrigé. Par exemple,
    dans mon précédent album, j'avais écrit certaines choses comme Être
    quelqu'un de différent ou J'ai des amis des deux côtés. On se sert de
    vingt-trois ou vingt-quatre chansons. J'en ai écrit soixante. C'est
    ça le métier ! Quelle est votre conception d'une vraie comédie
    musicale ? Un spectacle qui bouge avec un vrai orchestre, des
    trouvailles pour les décors, les costumes, des comédiens, des
    chanteurs, des danseurs. A part çà, vous continuez vos tours de chant
    ? Oui. Là, je vais à Moscou chanter deux jours. J'ai déjà trois
    récitals en octobre ; en novembre, six ou sept, et je dois tourner en
    Belgique et en Hollande avec un orchestre symphonique polonais. Tout
    le monde croyait qu'après le Palais des congrès en 2004, vous
    quittiez la scène. Vrai ou faux ? Je n'ai jamais fait mes adieux,
    c'est-à-dire que l'on s'est trompé sur le terme «dernière tournée».
    Ce n'était pas du tout ma dernière tournée. Je parle un français
    normal, on comprend un autre français, c'est peut-être qu'il me reste
    un accent arménien, sûrement ! (rires). En fait, vous continuez, mais
    à votre rythme. Oui, mais le rythme, je l'ai abandonné. En plus, je
    refuse la plupart des films. A la télévision, on travaille plus vite.
    Après Le Père Goriot, Il est question que je fasse Le Petit Homme
    d'Arkhangelsk. C'est un Simenon. Etre un acteur littéraire n'est pas
    mal pour un illettré ! (rires). Qu'est-ce qui compte le plus pour
    vous aujourd'hui ? Ma famille. Les seules angoisses que j'ai dans ma
    vie, c'est en pensant à ma famille. Continuez-vous d'écrire tous les
    jours ? Tous les jours. Le mois prochain, sort un très bel album de
    photos avec des commentaires dans lesquels je parle de Pierre Roche,
    de Marcel Marceau... Vous arrive-t-il de vous ennuyer ? Je ne connais
    pas l'ennui. Vous n'investissez pas dans les objets rares ou les
    belles antiquités ? Je l'ai fait longtemps, mais je ne le fais plus.
    Depuis peu, je me détache totalement de ces choses-là. Pas du bien
    matériel, ce n'est pas vrai. Je veux dire par là acheter une nouvelle
    toile, une statuette, un livre rare, non, c'est le contraire, je vais
    tout vendre ! Parce que j'ai remarqué que les enfants n'aiment pas la
    même chose que nous. Je ne dis pas qu'ils ont mauvais goût, mais ils
    n'ont pas le mien. J'aime mieux leur donner du bien-être que de leur
    laisser des choses. En plus, qui aura quoi ? J'ai trop vu de familles
    qui se déchiraient pour une cuillère en argent. Quand vous
    reverra-t-on à Paris ? Je n'en sais rien. J'ai demandé à mon agent,
    Levon Sayan, de me donner cinq jours par mois de travail dans des
    salles de 1 200 à 1 400 places.
Working...
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