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Quelle Institution Est La Plus Competente Pour Honorer Les Victimes

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    QUELLE INSTITUTION EST LA PLUS COMPETENTE POUR HONORER LES VICTIMES DE CRIMES CONTRE L'HUMANITE ?
    L'analyse de Guillaume Perrault*

    Le Figaro, France
    18 mai 2006

    Le Parlement doit-il legiferer sur l'histoire ? Une proposition
    de loi PS qui prevoit d'instituer des sanctions penales contre la
    negation du genocide armenien, et qui devrait etre examinee ce matin
    a l'Assemblee si l'ordre du jour le permet, pose de nouveau cette
    delicate question. En janvier 2001, le legislateur avait deja adopte
    une loi laconique ainsi libellee : "La France reconnaît publiquement
    le genocide armenien de 1915." Il s'agissait alors d'une proclamation
    solennelle sans portee juridique, destinee a contourner l'interdiction
    faite au Parlement d'adopter des resolutions. Or, aujourd'hui, la
    proposition de loi PS relève d'une tout autre logique et entend passer
    d'une declaration de principe a un delit reprime par le Code penal.

    Les deputes socialistes s'inspirent de la loi Gayssot, adoptee en
    1990, et qui reprime la negation du genocide des Juifs pendant la
    Seconde Guerre mondiale. Des arguments qui meritent le respect - la
    memoire blessee des Francais d'origine armenienne, le refus obstine
    de la Turquie d'assumer son passe - sont avances pour justifier cette
    initiative parlementaire. Le texte debattu ce matin au Palais-Bourbon
    pose neanmoins des problèmes de fond. Dans un pays obnubile par
    l'egalite et volontiers envieux, tout traitement specifique accorde
    a une "communaute" est aussitôt revendique par d'autres. Il pouvait
    donc paraître inevitable que le precedent de la loi Gayssot soit
    invoque par les Armeniens pour reclamer le meme statut. Et l'on ne
    voit guère quel argument opposer, demain, aux revendications des
    Cambodgiens ou des Rwandais de France - dont les compatriotes furent
    eux aussi victimes d'un genocide -, s'ils venaient a reclamer un
    traitement identique. La loi Gayssot a ouvert la boîte de Pandore. La
    multiplication des legislations qualifiant le passe - qui pretendent
    toutes reparer une injustice a la demande d'un secteur de l'opinion
    - entretient de surcroît une confusion entre la morale, l'histoire
    et le droit penal. La loi Taubira du 23 mai 2001 proclame ainsi
    que la traite des Noirs et l'esclavage constituent "un crime contre
    l'humanite". Au prix d'un anachronisme de plusieurs siècles - la loi
    penale ne s'applique pas aux faits anterieurs a sa promulgation -,
    on peut admettre a la rigueur que la traite des Noirs et l'esclavage
    correspondent a la definition du "crime contre l'humanite" issue du
    Code penal de 1994 : "La pratique massive et systematique d'executions,
    tortures ou enlèvements a l'encontre d'un groupe de population civile
    realises en execution d'un plan concerte pour des mobiles politiques,
    philosophiques, raciaux ou religieux." Cependant, en vertu de cette
    meme definition, le Parlement aurait le devoir de proclamer que les
    massacres commis en Vendee en 1794 par les "colonnes infernales"
    de Turreau constituent eux aussi un "crime contre l'humanite"
    appelant des excuses publiques du chef de l'Etat, si la demande en
    etait formulee. La meme remarque pourrait s'appliquer au massacre des
    harkis. La loi ne saurait reconnaître certains episodes douloureux
    du passe et garder le silence sur d'autres, faire "deux poids, deux
    mesures" en fonction de l'air du temps et de l'opiniâtrete inegale des
    groupes de pression. C'est donc pour rompre avec cet engrenage sans fin
    que 600 historiens s'opposent a la proposition de loi PS sanctionnant
    la negation du genocide armenien. Ces universitaires s'insurgent contre
    les textes qui, derrière une apparence consensuelle et genereuse,
    "ont restreint la liberte de l'historien, lui ont dit, sous peine
    de sanctions, ce qu'il doit chercher et ce qu'il doit trouver". Ils
    soulignent que "l'historien ne plaque pas sur le passe des schemas
    ideologiques contemporains et n'introduit pas dans les evenements du
    passe la sensibilite d'aujourd'hui". Les signataires de la petition
    "Liberte pour l'histoire", demandent aussi l'abrogation des principaux
    articles des lois Gayssot et Taubira, et ne se satisfont pas de
    l'abandon du seul article sur le "rôle positif de la presence francaise
    outre-mer", supprime le 16 fevrier dernier. C'est en effet en vertu
    de la loi du 23 mai 2001 qu'un historien specialiste de l'esclavage,
    Olivier Petre-Grenouilleau, a ete poursuivi pour "apologie de crime
    contre l'humanite". L'universitaire avait rappele que l'esclavage ne
    se reduit pas aux seuls mefaits perpetres par des Europeens - seuls
    evoques par la loi Taubira - et que "les traites negrières ne sont pas
    des genocides", car "la traite n'avait pas pour but d'exterminer un
    peuple". Il n'en fallut pas plus pour qu'une association "defendant
    la memoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants" s'estime
    outragee et declenche l'action publique, comme la loi du 23 mai 2001
    l'y autorise. Christiane Taubira, depute apparente PS de Guyane,
    a publiquement encourage cette action en justice. Le droit penal est
    ainsi devenu une arme de combat, utilisee par des associations a la
    representativite non verifiee pour intimider leurs contradicteurs. La
    liberte d'expression et la libre recherche, objet d'attaques regulières
    depuis quinze ans, subissent de nouvelles restrictions. Le risque
    apparaît enfin d'une societe de plaignants, d'indignes permanents qui
    reclament le statut de victimes de l'histoire et estiment avoir une
    creance a vie sur leurs concitoyens pour les fautes commises jadis par
    d'autres. Les lois relatives a l'histoire consacrent le morcellement
    communautaire de la societe francaise. Il est permis de penser que
    ces textes, loin d'apaiser durablement les memoires blessees, de
    rassembler et de preparer l'avenir, divisent, aggravent la competition
    des souffrances et nourrissent le ressentiment. "Peut-etre serait-ce
    un bienfait, pour un vieux peuple, de savoir plus facilement oublier,
    ecrivait deja Marc Bloch dans L'Etrange Defaite. Car le souvenir
    brouille parfois l'image du present et l'homme, avant tout, a besoin
    de s'adapter au neuf." Accordons aux morts la piete du souvenir,
    mais n'etouffons pas le present sous le poids du passe. *Journaliste
    au service politique du Figaro.

    --Boundary_(ID_lIHSst5axlw+5/YlStPbGQ)--

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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