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La negation, objet legitime du droit

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  • La negation, objet legitime du droit

    Liberation , France
    3 novembre 2006

    La negation, objet legitime du droit;
    Il s'agit de distinguer entre la contestation ideologique et
    dangereuse et le doute ou le questionnement, propres a toute
    recherche scientifique.

    par GARIBIAN Sevane; Sevane GARIBIAN juriste, doctorante en droit
    public, Paris-X-Nanterre.

    Le texte de Jerôme de Hemptinne (Liberation du 25 octobre) pose une
    question importante et necessaire, dont la reponse permettrait de
    combler un trou creuse par le debat actuel sur la negation saisie par
    le droit : comment cette negation est-elle definie en droit ?
    Autrement dit, quel est le sens de l'interdit pose par la proposition
    de loi recemment adoptee a l'Assemblee nationale visant a penaliser
    la negation du genocide des Armeniens, sur le modèle de la loi
    Gayssot ?

    Tant le langage courant que le langage historiographique ont
    longtemps defini le negationnisme comme une doctrine ou une position
    ideologique consistant a nier la realite du genocide du peuple juif
    et, plus particulièrement, l'existence des chambres a gaz. Depuis
    plusieurs annees deja, au regard de la realite et de l'actualite d'un
    phenomène qui s'etend, l'usage du mot "negation" est elargi a la
    contestation d'autres genocides ; un "assassinat de la memoire",
    comme etape ultime du processus genocidaire, dont tout le monde
    s'accorde a dire, a la suite de Pierre Vidal-Naquet, qu'il perpetue
    le crime.

    La negation devient objet du droit avec l'adoption de la loi Gayssot
    en 1990. L'interpretation des juges francais et europeens en la
    matière permet de degager les limites qui cadrent l'interdit et
    garantissent sa conformite aux libertes fondamentales. La
    jurisprudence relative aux affaires de negationnisme est fort
    eclairante quant a la signification, restrictive, attribuee a ce
    terme : la negation ne tombe sous le coup de la loi que dans la
    mesure où elle constitue un "trouble illicite de nature a porter
    atteinte a l'ordre public", dont le droit au respect de la dignite
    humaine est une composante. Et les juges ont, par ailleurs, eu
    l'occasion de souligner que les interets proteges par l'interdit
    comprennent notamment "les fondements d'une societe democratique".

    L'element cle dans la definition juridique de la negation est
    l'intention de nuire du contestataire, dont la mauvaise foi, non
    presumee, doit etre prouvee par l'accusation. Ce n'est pas l'opinion
    en tant que telle qui est punie, mais la diffusion de cette opinion
    en tant qu'acte ideologique, de mauvaise foi, exprimant sous couvert
    de scientificite une propagande antisemite, raciste ou haineuse,
    susceptible de produire des effets indesirables dans une democratie.
    L'absence d'une presomption de mauvaise foi en matière de
    negationnisme constitue, en outre, une difference fondamentale entre
    ce delit et d'autres delits de presse pourtant proches, tels que la
    diffamation ou la provocation a la discrimination raciale. Elle vise,
    precisement, la preservation du principe de la libre recherche
    scientifique, lequel principe, s'il permet de revisiter des faits
    historiques, implique, aussi, une responsabilite.

    Il s'agit de distinguer la contestation ideologique et dangereuse du
    doute ou du questionnement, propres a toute recherche scientifique.
    Contrairement a ce que semble craindre Jerôme de Hemptinne, il n'est
    pas question de "rester muet". Mais d'etre responsable lorsque l'on
    remet en cause la realite d'un crime de genocide, dont la
    specificite, tout comme celle du delit de negationnisme, est
    determinee par l'intention qui motive l'acte.

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