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Les frontieres de la peur

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  • Les frontieres de la peur

    L'Humanité
    5 octobre 2004

    Les frontières de la peur;
    Éditorial

    par Pierre Laurent

    * Plutôt que le débat souhaitable, tout est fait pour nourrir la peur
    d'une entrée de la Turquie *

    La confirmation que l'on se dirige vers l'ouverture de négociations
    d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne provoque dans la droite
    française une agitation aussi spectaculaire que malsaine. Alors que
    ce dossier mérite réellement le débat, tout est fait pour en
    brouiller les cartes, pour réveiller les peurs et nourrir amalgames
    et confusions là où il faudrait au contraire saisir l'occasion de
    travailler au rapprochement des peuples et à leur compréhension
    mutuelle. Tentons de débrouiller quelques-unes des questions posées.
    La première à laquelle il convient de répondre est celle de savoir si
    le principe même de cette adhésion, indépendamment du résultat
    éventuel des négociations qui la prépareraient, est acceptable ou
    non. Ceux qui répondent « non » le font, comme François Bayrou hier
    dans le Figaro, au nom de « la nature de l'Europe ». « La société
    turque, ajoute le président de l'UDF, a sa propre identité très
    éloignée des traits communs qui font l'identité européenne. » C'est
    la conception d'une Europe blanche et chrétienne par nature, avec
    toutes les dérives que cela peut engendrer. Dans le Wall Street
    Journal, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin n'y échappait pas
    en osant déclarer : « Voulons-nous que le fleuve de l'islam ne
    rejoigne le lit de laïcité ? » Outre que cette conception est
    inacceptable au plan éthique, et totalement réductrice si l'on veut
    bien examiner la réalité de l'histoire européenne, elle est
    triplement dangereuse pour l'idée que l'on se fait de l'Europe :
    accepter cet argument, c'est mettre le doigt dans la théorie du «
    choc des civilisations » ; c'est entériner les pratiques
    discriminatoires à l'égard de populations croissantes à l'intérieur
    de l'Union ; c'est contredire le principe de la laïcité en
    introduisant le critère religieux dans les valeurs de l'Union.
    Le second refus de principe avancé par les adversaires de ces
    négociations tient aux frontières, et au caractère « extra-européen »
    de la Turquie. C'est un argument que l'histoire ne retient pas ; car
    celle de la Turquie s'est toujours écrite tout à la fois au sein et
    aux portes de l'Europe. De ce point de vue, une intégration réussie
    de la Turquie ouvrirait utilement l'Europe vers tout le Moyen-Orient.
    Quant à craindre une influence renforcée des États-Unis dans l'Union
    avec l'arrivée de la Turquie, question qui mériterait au demeurant
    d'être prise au sérieux, ce ne sont pas ceux qui plaident aujourd'hui
    pour l'inscription de l'OTAN dans la constitution européenne qui
    paraissent les mieux placés pour donner des leçons.
    S'il convient donc d'écarter les rejets de principe proférés à
    l'égard de la Turquie, il importe en même temps de mettre sous
    surveillance les négociations qui seront conduites. D'une part, pour
    veiller à ce que soient entendues et relayées les exigences des
    démocrates turcs, qui veulent faire de ces négociations un levier
    pour la démocratisation du pays. Les dossiers sont nombreux :
    libertés, droits des femmes, respect de la laïcité, droits du peuple
    kurde, reconnaissance du génocide arménien... D'autre part, parce que
    les conditions économiques et sociales de cet élargissement doivent
    être discutées. Laissera-t-on les élargissements successifs de
    l'Union, celui-là après ceux vers l'Est, servir de bases arrière aux
    stratégies de dumping social des grands groupes multinationaux ? Les
    travailleurs turcs pas plus que ceux des pays actuels de l'Union n'y
    ont intérêt.
    Reste enfin la question du référendum revendiqué par l'UMP de Nicolas
    Sarkozy. Si le principe d'une consultation populaire n'est pas en soi
    illégitime, personne n'est dupe. Pour l'heure, les motivations sont
    très politiciennes : donner des gages à un électorat de droite et
    d'extrême droite hostile à cette entrée sur des bases peu
    recommandables, et plus encore faire oublier une autre consultation
    qui nous attend en 2005 et dont la droite craint par-dessus tout le
    résultat : le référendum sur le projet de constitution.

    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
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