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La Memoire Des Armeniens Exposee A Istanbul

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    LA MEMOIRE DES ARMENIENS EXPOSEE A ISTANBUL

    La Croix
    9 mai 2011
    France

    Le photographe franco-armenien, Antoine Agoudjian, dont la famille
    a ete exterminee lors du genocide de 1915, et un mecène turc, dont
    la famille a connu la deportation en 1923, travaillent a rapprocher
    les deux peuples

    C'etait autrefois un entrepôt de tabac, un bâtiment tout simple
    comme on en voit beaucoup dans le quartier populaire de Tutun Deposu
    a Istanbul. Reconverti en centre culturel, il accueille depuis le
    25 avril et jusqu'au 5 juin, l'exposition " Les yeux brûlants " (1)
    du photographe francais d'origine armenienne, Antoine Agoudjian. Ce
    soir-la, le vernissage rassemble Turcs et Armeniens d'Istanbul,
    autour de la memoire des Armeniens.

    Ce qui prouve a quel point la perception des deux peuples a change
    depuis l'epoque où parler du genocide armenien equivalait a offenser
    la Turquie et a risquer la prison. Cette periode est revolue. Car en
    plus de l'exposition, pour la première fois en Turquie, un Photopoche
    (2) est edite, en version bilingue, turc et armenien, des photos
    d'Antoine Agoudjian.

    Il y a encore quelques annees cette exposition n'aurait pas pu se
    tenir. Cet exploit tient a la rencontre de deux hommes : Antoine
    Agoudjian, ne en 1961, qui depuis 20 ans parcourt la Turquie et les
    pays de l'ancien empire ottoman sur les traces de ceux qui ont ete
    extermines durant le genocide armenien de 1915, mû aussi par le desir
    de restituer la memoire de sa propre famille.

    " J'avais besoin d'aller chercher des images pour raconter l'histoire
    qui s'est passee il y a 96 ans. Ce travail m'a construit en temps
    qu'etre humain. Il m'a fait rencontrer des amis turcs ".

    L'AIDE D'UN " MILLIARDAIRE ROUGE " Les grands parents d'Antoine etaient
    originaires de Kutahia (sud d'Istanbul) et de Erzeroum (sur la Mer
    noire). Il a fait son premier voyage en Turquie en 1996, non sans
    apprehension car il avait ete eleve dans " la detestation du Turc
    ". " À cette epoque, il etait complique d'etre armenien en Anatolie
    pour ceux qui avaient survecu au massacre et avaient ete islamises ".

    Il se souvient qu'en arrivant dans un village, demandant s'il y
    avait un Armenien, on lui avait repondu oui en designant un chien. "
    Aujourd'hui, la situation a complètement change ".

    Pour preuve, la tenue de cette exposition a Istanbul. Grâce a
    l'implication d'Osman Kavala, proprietaire de la galerie, sans qui cet
    evenement n'aurait pu avoir lieu. Grand, discret, presque timide, ses
    yeux bleus trahissent une histoire complexe et douloureuse. Surnomme le
    " milliardaire rouge ", militant de gauche, sa famille est originaire
    d'un petit village, Kavala, sur la mer Egee près de Thessalonique.

    Sa famille fut deportee lors du grand " echange " de populations entre
    la Grèce et la Turquie, qui se traduisit par la migration forcee de
    centaines de milliers de personnes en 1923. " Il y a quelques annees,
    j'y suis retourne, j'ai essaye de retrouver la maison dans laquelle
    ma famille avait vecu. Il n'y avait plus rien, le village avait ete
    detruit. Ce n'est pas comparable a l'histoire des Armeniens, mais
    cela m'a aide a les comprendre ", dit-il.

    " NOUS SOMMES TOUS DES ARMENIENS " L'homme est connu pour ses
    engagements. Il a organise une exposition sur les violations des
    droits de l'homme en Turquie, finance le film d'animation Chienne
    d'histoire, de Serge Avedikian, Palme d'or du court-metrage a Cannes
    en 2010 et cree de nombreux centres culturels en Anatolie, notamment
    a Diyarbakir, ville kurde où l'exposition devrait tourner. " L'art
    peut aider a expliquer ce qui s'est passe, poursuit Osman Kavala.

    Mais il faudra du temps pour trouver une solution commune ". Il invite
    la diaspora armenienne a venir en Turquie etablir un pont avec les
    Turcs. Il connaît leur scepticisme mais voudrait les convaincre
    que leur presence aiderait a faire comprendre aux Turcs ce qu'ils
    ressentent. " Le genocide de 1915 est une tragedie humaine et les
    Turcs doivent l'entendre ".

    Le processus d'ouverture sur la question armenienne a commence en
    Turquie il y a quelques annees. Il y eut en 2004, la publication
    du Livre de ma grand-mère de l'avocate et militante turque des
    droits de l'homme, Fethiye Cetin, dans lequel elle raconte comment
    sa grand-mère avant de mourir lui revèla qu'elle etait armenienne,
    rescapee du genocide. Puis, en 2005, des historiens et intellectuels
    bravèrent le pouvoir en organisant une " conference armenienne ".

    En janvier 2007, l'assassinat du journaliste ecrivain Hrant
    Dink, redacteur en chef du magazine turco armenien Agos par un
    ultranationaliste, provoqua " un choc emotionnel et un declic
    psychologique dans la population ", se souvient Ahmet Insel,
    intellectuel turc engage, au point que 200 000 personnes descendirent
    dans la rue pour assister a ses obsèques en criant : " nous sommes
    tous Armeniens, nous sommes tous des Hrant Dink ".

    TOURNER LA PAGE, ENFIN Le mouvement continua avec la signature un an
    plus tard, par plus de mille intellectuels turcs et kurdes, de " la
    petition pour le pardon " pour " la grande catastrophe qu'ont subie
    les Armeniens ottomans en 1915 ". Et enfin, pour la première fois,
    en 2010, des militants commemorent publiquement le 24 avril, jour
    de la rafle des notables armeniens d'Istanbul qui marqua en 1915,
    le debut du genocide.

    " Comment rester indifferent au chemin que nous avons parcouru ensemble
    ? ", questionne Manuel Pamokdjian. Armenien de France, il est venu
    en Turquie pour la première fois en 1976 avec sa mère originaire
    d'Istanbul, dont toute la famille avait ete exterminee. Depuis, il
    revient regulièrement, pour rencontrer le groupe des intellectuels qui
    ont signe le manifeste du pardon : " je voulais tester leur sincerite
    ".

    Depuis, ils ont redige ensemble un memorandum pour accompagner cette
    demarche et aller plus loin. Il a cree un think tank armeno-turc afin
    de soutenir les intellectuels turcs. Il est convaincu que " seule la
    societe civile peut faire bouger les choses " mais concède que sous
    l'actuel gouvernement, des avancees ont eu lieu avec la restauration
    d'eglises armeniennes. " Soyons pragmatiques, le negationnisme est
    d'Etat, la population elle est ignorante, elle n'est pas au courant ".

    " Les Armeniens doivent arriver a donner une image a leur souffrance ",
    plaide Antoine Agoudjian. Lui-meme, avec cette exposition en Turquie,
    peut enfin tourner la page de la memoire de sa propre famille et se
    sentir apaise. " Il faut arriver a guerir ", dit-il.

    AGNES ROTIVEL (a Istanbul)
    http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/La-memoire-des-Armeniens-exposee-a-Istanbul-_EG_-2011-05-09-613989




    From: A. Papazian
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