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Re-Imaginer Israël Comme Une Diaspora Pour Tous

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    RE-IMAGINER ISRAËL COMME UNE DIASPORA POUR TOUS

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=72491
    Publie le : 29-03-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
    presente un article traduit le 28 mars 2013 par Georges Festa pour le
    site "Armenian Trends - Mes Armenies", d'après un article en anglais
    d'Angela McRobbie du site Open Democracy.

    Armenian Trends - Mes Armenies

    jeudi 28 mars 2013

    © Columbia University Press, 2012

    Re-imaginer Israël comme une diaspora pour tous

    par Angela McRobbie

    Open Democracy, 25.02.2013

    [Judith Butler suit une voie similaire a celle d'Hannah Arendt dans
    son recent ouvrage Parting Ways : Jewishness and the Critique of
    Zionism [A la croisee des chemins : identite juive et critique du
    sionisme], livrant toute une serie de contributions revues et elargies
    au debat sur la violence de l'Etat israelien et le colonialisme des
    implantations, afin d'eclairer histoires et memoires.]

    Il arrive souvent avec les ouvrages d'une telle portee philosophique,
    traitant de questions politiques parmi les plus ardues de notre temps,
    que leur opportunite meme les situe en quelque sorte hors des limites
    du debat public immediat.

    Ce genre d'ouvrages sont soit sommairement eludes sous pretexte d'etre
    trop incisifs, trop judicieux, trop anti-conformistes, soit juges tout
    simplement trop peu realistes au regard du monde pragmatique de la
    politique internationale. Bien des annees après, cette ~\uvre etant
    comme mise en sommeil, gagne un nouveau lectorat des plus admiratif.

    Tel fut le cas de la plupart des ecrits d'Hannah Arendt, dès les
    annees 1930, lorsqu'elle s'engagea tout d'abord dans le sionisme,
    jusqu'a son essai des plus controverse sur Eichmann a Jerusalem,
    publie en 1962, mais aussi quelques annees plus tard, lorsqu'elle
    publia Les Origines du totalitarisme. Judith Butler suit une vois
    similaire dans son recent essai Parting Ways : Jewishness and the
    Critique of Zionism. Profondement influencee par la thèse d'Arendt en
    faveur du pluralisme et du federalisme, comme contrepoids a l'Etat
    nation, a l'aune des perils de l'apatridie et de la depossession,
    Butler n'hesite pas toutefois a reconnaître les limites de certaines
    preferences peu digestes et impenitentes d'Arendt pour des traditions
    de pensee emanant de la philosophie europeenne et pour ce que nous
    pourrions qualifier de normes culturelles europeennes.

    Son immersion dans les ecrits d'Arendt permet neanmoins a Butler de
    mettre en circulation intellectuelle tout un ensemble de contributions
    revues et elargies au debat sur la violence de l'Etat d'Israël et du
    colonialisme d'implantation. Si ses recommandations sont apparemment
    improbables, elles sont aussi courageuses, comme celles d'Arendt avant
    elle, en ce qu'elles exposent l'auteur a des attaques au vitriol,
    a l'instar de ceux qui reprochaient a cor et a cris a Arendt d'etre
    une 'Juive ayant la haine de soi' ou, dans le cas de Butler, de se
    ranger aux côtes du Hamas.

    Un autre courant de pensee, lequel nourrit la critique juive du
    sionisme chez Butler, derive d'Edward Saïd. Reprenant la relecture
    politique de Freud par Saïd, afin de developper une voie possible pour
    une cohabitation et une coexistence juive et arabe dans la proximite,
    et se focalisant sur son argumentation quant a l'Arabe present chez le
    Juif (comme dans la figure de Moïse) et, avec cela, un sentiment de
    l'impurete des origines, et le melange historique des peuples et des
    religions, Butler tente de conforter diaspora et dissemination comme
    bases d'une coexistence. A l'oppose d'une patrie ultime comme lieu
    de retour et de nostalgie nationaliste, Butler se range aux côtes
    de Saïd pour re-imaginer Israël comme un lieu où une ethique de la
    diaspora et de la dispersion pourrait prevaloir et donner essor a
    une nouvelle politique binationale et federale.

    En premier lieu, il y a la question de savoir pourquoi Butler prend
    specifiquement position en tant que Juive contre le sionisme, a la
    base de son entreprise. En fait, elle agit sur ce pour quoi elle
    plaide, considerant l'identite juive comme non identitaire, impure et
    dispersee. Elle n'ecrit pas d'un point de vue profane, cette posture
    resultant de nombreuses annees de frequentation des synagogues, d'etude
    du Talmud et de familiarisation a la philosophie durant son enfance et
    son adolescence. C'est naturellement en tant que philosophe qu'elle a
    maintenant acquis une reputation internationale. Elle demande toutefois
    pourquoi ce genre de prise de position juive peut etre defendue sans
    paraître soutenir involontairement l'idee du 'caractère exceptionnel'
    de la situation en Israël, ne concernant que le seul peuple juif,
    a la lumière de l'histoire atroce de la Shoah.

    Son projet est d'ecrire en tant que Juive, de manière a inclure les
    non Juifs, en particulier les Palestiniens, ce qui en retour confirme
    la thèse d'Arendt selon laquelle nous sommes tous des etres humains
    sur la base de ces autres etres humains avec qui nous partageons
    la planète. Compte tenu du caractère non choisi de cette condition
    humaine, nous devons rechercher une cohabitation pacifique, sous
    peine de vivre des cycles de violence et de destruction. De fait,
    une conquete n'est jamais juste, car elle nous condamne tous a des
    annees de conflits et d'antagonismes.

    Butler sait aussi que son projet d'opposition au sionisme au moyen
    d'une ethique juive doit etre identifiable, susceptible d'etre verifie
    au sein d'une tradition. C'est la où elle se tourne a maintes reprises
    vers Walter Benjamin et a sa notion de traduction, qui lui permet
    d'observer la tradition sur ce qu'elle trace, laquelle prend la forme
    d'une exigence ethique heritee du passe, subissant necessairement
    changement et alteration. Resultat, a travers ses reflexions, ce
    qui est diasporique dans la theologie juive emerge a nouveau pour
    signifier un sens nouveau, une combinaison avec les non Juifs et
    une ethique de la cohabitation. Cette notion de tradition qui, selon
    la pensee de Butler, est restee dans un etat a la fois de 'vestige'
    et de 'resonance', est neanmoins apte a transmettre la signification
    nouvelle d'une diaspora pour tous dans une Palestine qui peut lui
    etre restituee, afin qu'il n'y ait plus ce 'colonialisme pernicieux,
    se qualifiant de democratie.'

    L'echelle des difficultes que rencontre Butler dans Parting Ways
    se fonde sur sa comprehension du traumatisme, de la souffrance et
    de l'apatridie d'après la Shoah, couplee a sa tentative d'avancer
    une critique juive post-coloniale du sionisme, laquelle signifie
    inevitablement le fait d'envisager non pas la 'destruction' d'Israël
    (a quoi ses critiques reduisent sa pensee), mais le remplacement du
    sionisme politique par un bi-nationalisme federal, où des droits egaux
    sont garantis a tous, mettant un terme a l'implantation des colonies.

    Operons quelques digressions. Durant les annees des troubles en Irlande
    du Nord, marquees par des cycles analogues de violences et de meurtres
    incessants, de niveaux similaires de haine exprimes de part et d'autre
    de la frontière, il semblait que la paix ne pût jamais voir le jour,
    tandis qu'une sorte de resignation s'etait installee. Et pourtant
    une volonte se manifesta au milieu des annees 1990 de rechercher la
    paix, faisant chorus a un desir psychique inscrit au c~\ur meme de
    la colère et de la haine. Le gouvernement de Tony Blair avait alors
    fort a faire en Irlande du Nord : le demantèlement du Royal Ulster
    Constabulary (RUC) [police nord-irlandaise] et son remplacement par
    la Police Federation for Northern Ireland (PFNI), sous l'egide de
    Peter Mandelson, un des changements les plus significatifs et des
    plus inconcevable. Cette part reperable par dela la violence ayant,
    d'après Butler, un caractère messianique, en ce qu'elle est capable
    d'interrompre et de suspendre les histoires et les memoires, laissant
    entrevoir un eclair de lumière. Un executif partageant le pouvoir,
    le desarmement, les notions de cohabitation et de proximite suscitant
    la vision jusqu'alors impensable de Martin McGuiness et du Reverend
    Ian Paisley se serrant la main et plaisantant, tout cela nous parle
    de la possibilite d'une existence et d'une politique quotidienne par
    dela et après un conflit. Durant les annees qui ont suivi, l'idee
    d'une Irlande unie a ete arrachee a ses nationalismes exacerbes et
    remplacee par les notions pratiques de cooperation transfrontalière.

    Des comparaisons simplistes ne sauraient naturellement en etre
    tirees et la politique agressive de colonisation, qui demeure une
    caracteristique du gouvernement quotidien en Israël, rend un revirement
    des plus difficile a envisager. Quelque chose de plus profond doit
    se produire dans la psyche des Israeliens de gauche comme de droite,
    pour qu'un changement advienne. Avec obstination, Butler entreprend
    de mettre fin a une rhetorique sans cesse affichee d'autodefense, et
    ce que cela pourrait entraîner en terme de demilitarisation. Dans le
    chapitre final, elle defend l'idee d'une conference internationale sur
    le droit au retour, tout en se demandant a quoi pourrait ressembler
    le droit au retour propose aux Palestiniens disperses, en terme de
    reinstallation, de compensations et de redistribution des terres. Le
    droit au retour rendu accessible aux Palestiniens signifierait
    aussi une revision ou une suspension de la loi sur le retour, qui
    jusqu'a present fonctionne sur la base de l'absence de toute loi de
    retour pour la population soumise au plan colonial. Dans le cadre
    de cette 'eternite politique' figure la realite quotidienne d'un
    'bi-nationalisme derisoire' et d'une lutte pour la survie.

    La contribution de Butler peut etre consideree comme semant les
    germes de la fin du projet colonial d'Israël. Qualifier Israël de
    pouvoir colonial rompt avec le monde de l'etiquette politique de
    l'après-Seconde Guerre mondiale. Parallèlement, adopter une ethique
    de relationalite revient a definir l'identite juive comme quelque
    chose qui existe dans la rencontre avec autrui, avec des non Juifs,
    avec qui l'on peut avoir des droits egaux, ce qui nous conduit vers
    un avenir aux antipodes de la catastrophe.

    A l'heure actuelle, nous sommes contraints par la pregnance de
    l'Etat securitaire au point qu'il semble contre-intuitif de porter
    les arguments de Butler en faveur d'une egalite radicale sur la
    scène politique. Or les renvoyer a des temps meilleurs c'est aussi
    convier a d'autres pertes ; aussi vais-je revenir sur mes remarques
    introductives.

    Le constat de Butler est d'une lecture eprouvante pour toutes les
    raisons que nous savons quant aux espoirs d'une defaite du fascisme
    a la fin de la Seconde Guerre mondiale, de la securite a venir et
    d'un sanctuaire pour les Juifs, espoirs embourbes dans une politique
    qui a considere le racisme et le deplacement de populations comme
    etrangement compatibles avec les idees d'une democratie moderne.

    Neanmoins, cette meme politique n'a pas toujours ete aussi consensuelle
    ou homogène qu'elle semble l'etre actuellement, ce qui incite a
    re-imaginer Israël en termes d'egalite, de cohabitation et d'un
    partage pacifique de la terre.

    [Angela McRobbie enseigne les sciences de la communication au
    Goldsmiths College (universite de Londres). Elle est l'auteur de
    nombreuses etudes sur le feminisme et la culture populaire.]

    ___________

    Source :
    http://www.opendemocracy.net/angela-mcrobbie/re-imagining-israel-as-diaspora-for-all
    Traduction : © Georges Festa - 03.2013.

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    Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies


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