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Azerbaidjan : Coup Bas A Bakou

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    AZERBAIDJAN : COUP BAS A BAKOU

    Dans l'Azerbaïdjan du president Ilham Aliev, republique turcophone du
    Caucase, aussi riche en petrôle que pauvre en democratie, on ne rigole
    pas avec l'image de l'ennemi armenien. L'ecrivain septuagenaire Akram
    Aylisli, l'a appris a ses depens.

    Avec son dernier livre, Reves de pierre, publie en decembre dernier
    dans le mensuel litteraire russe Drujba narodov, l'ecrivain azeri
    Akram Aylisli, 75 ans, est brusquement devenu un renegat dans son
    pays, Son crime ? Avoir signe une saga sur les rapports armeno-azeris,
    decrivant une amitie entre deux voisins armenien et azeri au Karabakh,
    enclave majoritairement peuplee d'Armeniens, et rattachee en 1923 par
    Staline a l'Azerbaïdjan. Or, une guerre y a oppose les deux peuples
    entre 1990 et 1994, qui s'est soldee par une victoire armenienne
    et un cessez-le-feu. Depuis lors, l'Armenien fait a Bakou figure
    d'ennemi n.1.

    Convaincu que chaque nation doit avoir le courage d'affronter les
    pages obscures de son passe, Aylisli relate dans son livre les
    exactions commises contre la minorite armenienne au Nakhitchevan
    pendant les annees 1920, puis a Soumgaït et a Bakou a la fin
    de l'ère sovietique. Un tabou et une heresie, aux yeux du regime
    autocratique du president Ilham Aliev, qui attise a dessein des idees
    belliqueuses et revanchistes au sein de la population. Dès l'annonce
    de la publication de " Reves de pierre ", que très peu de gens ont lu
    en Azerbaïdjan puisqu'il n'y a pas ete publie, une violente campagne
    s'est dechaînee contre Aylisli, romancier et traducteur jusque la
    reconnu et respecte. Taxe de traître a sa patrie par la propagande
    officielle, relayee par les media infeodes au pouvoir, il est jete
    en pâture a la fureur de ses compatriotes..

    Le 7 fevrier, par decret, le president Aliev dechoit Aylisli de
    son statut d'" auteur national ", le privant des 950 euros mensuels
    qu'il recevait a ce titre. Sa femme, Galina, qui dirigeait depuis
    de longues annees la Bibliothèque pour enfants Nazim Hikmet a Bakou,
    est licenciee de son poste, tout comme son fils, Najaf Naibov, chef
    de section, depuis 12 ans, dans le service financier des Douanes.

    Poussees par cette campagne, des foules, aussi indignees que zelees,
    brûlent publiquement des portraits de l'ecrivain ainsi que ses livres,
    l'invitant a " quitter le pays ". Toujours devoue, Hafiz Haciyev, le
    leader du parti pro-gouvernemental Muasir Musafat (Egalite moderne)
    annonce le 10 fevrier qu'il offre une recompense de 10.000 manats
    (environ 10.000 euros) a qui lui apporterait l'oreille d'Akram
    Aylisli !.... Trois jours plus tard, c'est le Sheikh-ul-Islma Hajdji
    Allahshukur Pashazade, chef de l'Office musulman du Caucase et proche
    du pouvoir a Bakou, qui le traite d' " infidèle ", tandis que la très
    officielle Academie des sciences annonce l'ouverture d'une enquete
    sur son roman ! Enfin, un depute aussi patriote qu'inventif suggère
    que l'ecrivain se soumette a un test ADN, pour que celui ci determine
    d'eventuelles origines armeniennes...

    Du coup, l'ONG Human Rights Watch a appele Bakou a faire respecter
    la liberte d'expression et assurer la securite de l'ecrivain :
    "Les autorites ont le devoir de proteger Akram Aylisli", mais elles
    "font en sorte de l'intimider, le mettant en danger avec une campagne
    de denigrement et de declarations hostiles", souligne HRW.

    Heureusement, quelques opposants et defenseurs des droits de l'Homme
    ont pris le parti de l'ecrivain. President du PEN-Club azeri, l'auteur
    de romans policiers Tchinguiz Abdoullaïev l'a publiquement defendu, au
    nom de la liberte d'expression, le comparant au Nobel de litterature
    turc Orhan Pamuk, poursuivi dans son pays pour avoir mentionne le
    genocide armenien, et contraint a s'exiler. Refugie du Karabakh,
    le poète azeri Gunel Movlud dit avoir lu " avec grand plaisir "
    Reves de pierre, qu'il dit " magnifiquement ecrit ". Originaire de
    l'enclave, et donc victime directe de ce conflit, il assure n'y avoir
    " rien de choquant "

    A l'etranger, le romancier russe d'origine georgienne Boris Akounine
    apostrophe ainsi Bakou : " Voulez-vous repeter l'histoire de Salman
    Rushdie ? Voulez-vous devenir un Etat voyou ? Montrez que l'Azerbaidjan
    est un pays civilise, où les livres ne font pas l'objet de represailles
    ".

    Un brin choque, l'ecrivain compare ce deferlement de haine aux pires
    heures du stalinisme. " Je ne veux pas quitter l'Azerbaidjan, j'ai 75
    ans ! Mais il semble bien que je devrais demander l'asile politique
    quelque part " se desole-t-il.

    Neanmoins, il persiste et signe : " J'ai voulu dire aux Armeniens que
    nous pouvons encore vivre côte a côte ", explique-t-il. Force est de
    constater que le courageux ecrivain a agi en connaissance de cause.

    Ardent critique du president actuel, et de son père Heidar Aliev, qui
    regna d'une main de fer en Azerbaidjan depuis l'epoque sovietique,
    avant d'imposer son fils comme heritier, c'est, dit-il, un episode
    particulièrement sordide qui l'a incite a publier " Reves de pierre ".

    Lorsque, en septembre dernier, Aliev a grâcie, promu et traite en heros
    national Ramil Safarov, un officier azeri condamne a perpetuite en
    2004 en Hongrie, pour avoir decapite a la hache un collègue armenien,
    lors d'un stage du partenariat pour la paix de l'Otan a Budapest.

    " Quand j'ai vu cette reaction delirante et la surenchère artificielle
    de haine entre Armeniens et les Azeris, j'ai decide de publier mon
    roman ", a-t-il confie au site Eurasianet.org. Et le meilleur est
    sans doute encore a venir. Reves de pierre fait partie d'une trilogie,
    dont un volume est tout entier consacre au defunt president-autocrate
    Heidar Aliev....

    Anne Dastakian - Marianne

    vendredi 22 fevrier 2013, Stephane ©armenews.com

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